Le Front Polisario est né le 10 mai 1973. Cinquante ans plus tard, le constat est terrible : la question du Sahara occidental n’est toujours pas réglée et la communauté internationale s’est détournée du dossier.
Il y a un demi-siècle jour pour jour était fondé le Front Polisario. Le 10 mai 1973, cette organisation — abrégée de Front populaire de libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro — succède au mouvement pacifique de libération du Seguia el-Hamra et Oued ed-Dahab de Mohammed Bassiri, « Harakat at-tahrir Saqiat al-hamra wa wadi-addahab ». Le Sahara occidental était alors sous occupation espagnole. Bassiri avait conduit plusieurs manifestations, notamment en juin 1970, qui avaient été réprimées par les Tercio Africanos, des forces de l’ordre mises en place par les Espagnols. Le 18 juin 1970, alors que les manifestants pleurent leurs morts, Bassiri est arrêté et disparaît à jamais.
Quelques jours après sa fondation officielle, le Front Polisario entre en lutte armée. La première action de l’organisation indépendantiste sera l’occupation d’un poste militaire espagnol à Khanga. Puis des actions similaires ont lieu à Tifariti et Bir Lahlou. Une lutte qui aura un écho international : en mars 1975, l’Organisation des Nations unies (ONU) exigera l’envoi d’une mission au Sahara occidental et dans les pays voisins pour faire ses premières propositions.
D’une occupation espagnole à marocaine
Les années 1975 et 1976 sont décisives pour le Front Polisario. Le 16 octobre 1975, dix ans après que l’ONU a demandé une première fois la décolonisation du Sahara espagnol, la Cour internationale de justice estimait, dans un avis consultatif sur le Sahara occidental, qu’il n’existait aucun « lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre part ».
Une semaine plus tard, l’ONU s’intéresse une nouvelle fois au dossier. Le 22 octobre, le Conseil de sécurité vote la résolution 377 qui demande au secrétaire général de l’instance « d’engager des consultations immédiates avec les parties concernées et intéressées et de faire rapport dès que possible au Conseil de sécurité sur les résultats de ses consultations en vue de permettre au Conseil d’adopter les mesures appropriées pour faire face à la situation présente concernant le Sahara occidental ». Il est également recommandé aux parties prenantes de faire « preuve de retenue et de modération ».
Et alors que Hassan II s’apprête à consolider sa présence au Sahara occidental en repoussant l’occupant espagnol, l’ONU l’exhorte à revenir sur sa volonté de « marche déclarée dans le Sahara occidental ». Sans succès : en novembre de la même année, le Conseil de sécurité de l’ONU est obligé de « demander au Maroc de retirer immédiatement du territoire du Sahara occidental tous les participants à la marche ». Une marche qui permet le départ des Espagnols, mais qui conduit également au partage du territoire entre le Maroc et la Mauritanie, qui finira par se retirer.
L’autodétermination, la condition du Front Polisario
Une série d’événements qui marqueront un peu plus l’histoire du Front Polisario. Si la légitimité du mouvement a, dès sa création, été de fait reconnue par la mission de l’ONU, il faudra attendre fin 1979 pour qu’une résolution reconnaisse le Front Polisario comme « représentant du peuple du Sahara occidental ».
Mais le principal combat de l’organisation reste, au fil des années, l’autodétermination du peuple sahraoui. L’ONU a, de nombreuses fois, rappelé que sa résolution 1514 (XV) de 1960, concernant la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, s’appliquait au Sahara occidental.
En 1976, le Front Polisario annonce la création de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). D’armée, la lutte devient éminemment politique. En 1982, la RASD devient membre de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), puis de l’Union africaine. Plusieurs dizaines de pays reconnaissent aujourd’hui cette république présidée par Brahim Ghali.
Mais 50 ans après sa création, le Front Polisario de Ghali n’en a pas fini avec sa lutte. Une lutte qui fait les frais d’alliances — entre l’Espagne et le Maroc, par exemple — mais aussi d’un statu quo qui ne semble pas déranger la communauté internationale, malgré les résolutions successives votées par le Conseil de sécurité de l’ONU. La communauté internationale n’a sans doute pas assez d’intérêts au Sahara occidental pour mettre la pression sur les parties du conflit qui s’enlise.
Luttes internes et échecs diplomatiques
Le Front Polisario, en privilégiant le dialogue, a lui-même provoqué ce statu quo. Mais rien ne dit que cette guerre restera « froide » : début 2021, le représentant permanent du Front Polisario à l’ONU, Omar Sidi Mohamed, regrettait avoir « accordé toute (sa) confiance à la communauté internationale ». Suite à des décennies de « promesses non tenues, de tergiversations et d’attente intenable », il se disait « prêt à négocier » mais assurait vouloir « maintenir la lutte armée sur la base de l’expérience passée ».
Un demi-siècle après sa naissance, le Front Polisario est loin d’avoir atteint ses objectifs. Le mouvement a subi, dans un premier temps, de nombreux échecs diplomatiques, plusieurs pays ayant décidé de se ranger derrière le Maroc, tandis que d’autres alliés historiques, comme la Russie, préfèrent désormais rester neutres en s’appuyant sur l’ONU. D’autre part, le Front Polisario est gangréné par des luttes internes : d’un côté, plusieurs proches de l’organisation jugent que l’ancienne génération ne laisse pas assez de place aux jeunes ; de l’autre, partisans de la lutte armée et partisans de la diplomatie s’opposent.