En Afrique du Sud, la société américaine Meta Platforms, propriétaire notamment de Facebook et WhatsApp, est accusée d’avoir enfreint les lois antitrust du pays.
Après les actions en justice contre Facebook et WhatsApp aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et auprès de l’Union européenne (UE), c’est au tour de l’Afrique du Sud de dénoncer les pratiques monopolistiques des plateformes de Meta, anciennement Facebook Inc.
Ce lundi soir, la Commission de Compétition sud-africaine (CompCom) a déclaré qu’elle avait porté plainte contre Meta et ses filiales WhatsApp et Facebook devant le Tribunal de la concurrence. La CompCom a aussi déclaré que la justice devrait imposer une « peine maximale contre Meta Platforms, WhatsApp et Facebook South Africa ». Soit une amende équivalente à 10 % de leurs revenus collectifs en Afrique du Sud.
C’est la deuxième fois en moins d’un an que Facebook et ses filiales sont attaqués en justice en Afrique du Sud. Entre mars et juillet 2021, une commission parlementaire s’était saisie d’une plainte de la Haute autorité des télécommunications contre Facebook, sur fond de surveillance des finances du conglomérat de Mark Zuckerberg. Facebook avait alors accepté de se soumettre à la loi sud-africaine en la matière, sous la menace de se voir interdit en Afrique du Sud.
Lire : En Afrique, WhatsApp et l’inquiétant monopole de Facebook
Cette fois, la CompCom accuse Meta et ses plateformes d’abus de position dominante. Au centre de l’affaire, l’interdiction de l’utilisation de l’interface de programmation (API) de WhatsApp à la plateforme gouvernementale GovChat, entre autres.
Une question de concurrence ou de vol de données ?
GovChat est une application développée par une start-up sud-africaine en tant que plateforme de dialogue entre Etat et citoyens. Elle a pris plus d’importance depuis le début de la crise sanitaire de la Covid-19. GovChat offre notamment des campagnes d’éducation, fournit les résultats de tests de dépistage ou des statistiques sur demande des indicateurs démographiques, économiques, climatiques ou autres au bénéfice des professionnels.
L’application est également utilisée pour trier et transmettre les questions des citoyens au gouvernement, et publier les réponses. Aussi, GovChat sert aux demandes d’aides sociales et aux services administratifs de l’Etat.
WhatsApp estime que GovChat était devenu un concurrent direct en Afrique du Sud depuis novembre 2020. Des représentants de Facebook avaient alors rencontré des représentants des ministères des Communications et des Finances, dans une tentative « d’offboarder » GovChat, et ainsi priver l’application du droit d’utilisation de l’API de WhatsApp.
Selon la CompCom, dans sa déclaration de ce lundi 14 mars, Meta avait décidé en 2020 de « déconnecter » GovChat de l’API de WhatsApp Business. Ce qui pourrait provoquer une longue interruption des services, et constitue un abus de position dominante selon la loi sud-africaine sur la concurrence.
Lire : Les GAFAM contre l’Afrique, qui vaincra ?
« Facebook a imposé et/ou appliqué de manière sélective des conditions d’exclusion régissant l’accès à l’API WhatsApp Business, principalement des restrictions sur l’utilisation des données », a déclaré la CompCom. Une manière pour l’instance judiciaire, affiliée au parquet, de dénoncer qu’il s’agit, ni plus ni moins, d’une convoitise de Meta vis-à-vis des données personnelles reçues par GovChat.
Vers un nouveau bras de fer entre Facebook et l’Afrique du Sud ?
La Commission de Compétition estime que GovChat dépend de son accès continu à l’API WhatsApp. « La suppression prévue de GovChat de l’API WhatsApp Business nuira au bien-être des consommateurs. (…) Elle privera également le gouvernement des services actuels offerts par GovChat », estime la CompCom. « Le préjudice causé au processus concurrentiel est très clair. L’exclusion de GovChat de l’API de WhatsApp limitera également l’innovation et le développement de nouveaux produits et services », conclut l’instance.
Du côté de Meta, il s’agirait d’un « différend de nature purement commerciale » et donc « hors de juridiction du Tribunal de la concurrence sud-africain ». Un porte-parole de Whatsapp affirme être « conscient du rôle vital que joue GovChat dans la connexion du gouvernement avec les citoyens. C’est pourquoi nous voulons travailler avec GovChat conformément aux normes internationales reconnues pour fournir ce service ».
Et le responsable de continuer : « Cependant, GovChat a refusé de se conformer à nos politiques. Nous continuerons à défendre WhatsApp contre les abus et protéger nos utilisateurs ».
Avec cette querelle entre WhatsApp (et Meta) et GovChat qui continuera donc devant le tribunal, il s’agira ni plus ni moins de déterminer laquelle des deux parties a le droit sur les métadonnées des utilisateurs de GovChat. Or, avec Facebook qui a tenté d’offboarder GovChat en catimini, et la CompCom du côté de GovChat sur ce dossier, Meta se dirigera-t-elle vers un nouveau bras de fer avec l’Etat sud-africain ?
Incredibly proud to have represented GovChat in this matter. @eldridjordaan What a victory https://t.co/EvJXkHYWWM
— Pooja Dela (@DelaPooja) March 14, 2022