En quête d’un nouveau Premier ministre, Alassane Ouattara a déjà coché plusieurs noms pour ce poste. Le président penserait également à Tidjane Thiam, dans un rôle qui reste à définir.
Voilà déjà plusieurs semaines que le président de la République ivoirienne Alassane Ouattara prépare l’après-Hamed Bakayoko. Dans un état critique pendant une longue période, le Premier ministre ivoirien est décédé le 10 mars dernier, alors que les législatives venaient de rendre leur verdict. Le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), a obtenu la majorité lors de ce scrutin. De quoi conforter Alassane Ouattara dans son choix d’un nouveau Premier ministre. A quelques nuances près…
Du côté du RHDP, Alassane Ouattara n’a plus vraiment l’embarras du choix : le président de la République s’est, ces derniers mois, isolé au point de ne plus avoir un large panel de soutiens à sa disposition. La logique voudrait que Patrick Achi, désigné chef du gouvernement par intérim, conserve son poste pour les années à venir. Autres noms qui ont circulé dans les médias : celui de Fidèle Sarassoro, directeur de cabinet d’Alassane Ouattara, ou encore celui de Jean-Claude Brou, président de la commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Ally Coulibaly, ministre des Affaires étrangères, tient également la corde.
Un Premier ministre issu d’une majorité élargie ?
Sauf que la popularité d’Alassane Ouattara, en Côte d’Ivoire mais également à l’international, n’est pas franchement à son comble. Après un scrutin présidentiel, en octobre 2020, boycotté par l’opposition et une candidature à un troisième mandat jugée illégitime, le RHDP n’a pas obtenu une majorité si écrasante que cela, ne remportant que 137 sièges sur les 255 de l’Assemblée nationale. Les décès successifs des proches du président — Gon Coulibaly puis Bakayoko — ont fragilisé un peu plus Alassane Ouattara, d’autant que son Premier ministre était réputé pour sa poigne et pour sa façon efficace de tenir la rue ivoirienne.
Bien qu’il soit en droit de désigner un Premier ministre issu de son camp, Alassane Ouattara sait qu’il est dans une position instable. A tout moment, la rue peut s’enflammer. Et pour éviter cela, le président ivoirien a plusieurs solutions, parmi lesquelles celle de composer un gouvernement d’union nationale. Pour ce faire, il pourrait compter sur des ministres à mi-chemin entre son RHDP et le PDCI-RDA, arrivé deuxième aux législatives. Outre Kouadio Konan Bertin, déjà ministre de la Réconciliation nationale, Ouattara devrait tenter de convaincre des cadres du PDCI-RDA de le rejoindre.
Et pour satisfaire aussi bien la rue que la communauté internationale, Alassane Ouattara aurait une autre idée en tête… En avril 1990, alors que Félix Houphouët-Boigny était président de la République ivoirienne, «ADO » avait été nommé président du Comité interministériel de la coordination du programme de stabilisation et de relance économique. Chargé de résoudre la crise, financière celle-là, traversée par la Côte d’Ivoire, il avait ensuite été désigné Premier ministre. La présidence ivoirienne serait actuellement en train d’envisager l’éventualité de créer un comité interministériel semblable à celui de 1990.
Tidjane Thiam, 2025 dans le viseur ?
Si ce comité interministériel était créé, Ouattara penserait à un nom en particulier pour le présider : Tidjane Thiam. Début octobre dernier, la Première dame ivoirienne, Dominique Ouattara, avait rencontré l’ancien banquier. Pas franchement en bons termes avec le président de la République, Thiam avait renoué le contact indirectement. Problème : Tidjane Thiam s’est positionné dans un rôle de « sage » et n’acceptera donc pas un poste politique à risque. « J’ai surtout dénoncé et contribué à réduire les atteintes aux droits de l’Homme autour des élections en Côte d’Ivoire. Mais ce que j’aime avant tout, c’est passer du temps avec les clients, faire du business », expliquait-il à L’Opinion récemment.
Tidjane Thiam a, pour le moment, mis entre parenthèses ses ambitions politiques en lançant un fonds d’investissements. Il affirme aujourd’hui vouloir « créer de l’activité, des emplois et développer des entreprises qui contribuent positivement à la société au sens large ». Est-ce que la politique nationale l’attire toujours ? En prenant contact tour à tour avec Henri Konan-Bédié, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, Thiam montre qu’il faut toujours compter sur lui. Il vise évidemment une candidature à la présidentielle ivoirienne de 2025. Encore faut-il qu’Alassane Ouattara tienne jusque là. Un poste politique en cette période fragile politiquement en Côte d’Ivoire peut être, pour lui, à double tranchant. Mais s’il l’accepte et réussit sa mission, il s’ouvre une autoroute pour 2025. Reste désormais à savoir si Ouattara et Thiam peuvent s’entendre. Rien n’est moins sûr, tant Thiam veut jouer sa carte personnelle. « Je veux aujourd’hui être mon propre patron », disait-il, d’ailleurs, il y a quelques semaines.