A l’approche de l’accomplissement de la réforme du Franc CFA, des documents du trésor public français démontrent des failles. La France s’est dotée de plusieurs avantages quant à la convention de garantie avec la BCEAO.
La réforme du Franc CFA, prétendument en voie de disparition, ne se passera finalement pas de la manière escomptée. Après un accord en mai 2020, la France s’était imposée en « garant » du passage progressif vers une monnaie ouest-africaine, l’Eco. Cependant, du fait de cette position, le pays d’Emmanuel Macron surplomberait l’émancipation financière ouest-africaine.
D’abord, la démarche, depuis décembre 2019, a été entourée d’une grande discrétion. Le premier accord entre Macron et son homologue ivoirien Ouattara n’était pas exécutif dans l’immédiat. En 2019, la simple mention de la « fin du Franc CFA » était inédite. Ensuite, la convention de garantie, signée en décembre 2020 devait établir un rôle restreint de la France. De surcroît, la France procèderait à transférer 5 milliards d’euros à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Puis, malgré la lenteur des procédures, rien ne pouvait encore être reproché aux parties prenantes. Le cercle était restreint aux responsables de la BCEAO et aux chefs d’Etat. Mais éventuellement, le document de la convention de garantie a été publié. Maintenant que c’est le cas, on y relève des tromperies flagrantes. Certaines mesures contrasteraient cruellement avec les discours bien-pensants d’Emmanuel Macron.
During his visit to #Abidjan from 29 to 30 April, #France's @BrunoLeMaire reassured Côte d'Ivoire’s President @AOuattara_PRCI that the CFA franc reform agreements approved in December 2019 would be implemented in their entirety, reports @BMieu.https://t.co/8wwZTvLPYK
— The Africa Report (@TheAfricaReport) May 5, 2021
Un racket d’Etat ou le pillage d’un continent ?
De prime abord, un article de la convention spécifie que la France devait être informée des transactions financières « régulièrement ». Cela concerne les échanges entre la zone UEMOA et l’extérieur. Déjà, cette disposition confère à la France le droit de s’entremettre lors des injections monétaires étrangères. Donc, la France ne garantirait pas les transactions automatiquement, uniquement lorsque les échanges arrangent ses intérêts.
En l’occurrence, la garantie n’entrerait pas en vigueur si les pays africains concernés manquaient de devises. La BCEAO devra alors recourir à ses propres fonds auprès du Fonds Monétaire International (FMI). Cela placerait en plus le FMI comme décideur de la valeur du Franc CFA ou de l’Eco, dans le futur. Ensuite, si les pays de l’UEMOA décidaient d’accepter un transfert de fonds non-français, ils devront payer la France ! En somme, la France racketterait les pays africains concernée si elle ne gagne pas d’argent directement. Puis, même si la France faisait jouer sa garantie, le dépôt de fonds ne serait pas de 50%. Selon l’article 7 de la convention, les pays de l’UEMOA devront déposer 80% des devises reçues.
Avant l’accord de 2020, cette dernière exigence en particulier était de 50%. Et même si la France recevait une rémunération des dépôts de fonds, elle ne s’élevait pas à 30% supplémentaires. Selon le journaliste d’Ecofin Idriss Linge, l’UEMOA ne gagnerait absolument rien à la donne. Le Franc CFA est un vestige du néocolonialisme français, autrement appelé la Françafrique. La nouvelle réforme n’avait pas inclus les parlements et les intellectuels et économistes africains. Maintenant que le contenu de la convention du 10 décembre 2020 est officiel, certaines choses deviennent plus claires. En l’occurrence, le contenu de la convention expliquerait la circonspection de la BCEAO.
Of course this is controversial – but please read the whole article before you judge https://t.co/jHO7wy9yHE
— Michael Jordaan (@MichaelJordaan) May 5, 2021
Spécialistes et têtes brûlées
Aussi, le manque de déclarations du côté africain avait nourri les incertitudes. Le processus avance tout de même, malgré les protestations des contestataires du Franc CFA. A partir du 26 mai, une série de discussions se tiendra sur le sujet. Sous l’égide du représentant togolais au sein de l’UEMOA, Kako Nubukpo, des « intellectuels » pourront exposer leur point de vue.
Cependant, les noms évoqués feraient douter n’importe qui quant à l’essor de ces négociations. Certains, comme le béninois Lionel Zinsou, ou la capverdienne Cristina Duarte, sont des spécialistes en la matière. Tous deux ont été ministres des Finances dans leurs pays respectifs. Leur position contre les méfaits du Franc CFA sont claires. Quoiqu’avec des mesures concrètes déjà entreprises, la prise de position ne suffirait pas.
Justement, la présence d’autres représentants inquiète. Notamment, le guinéen Carlos Lopes pourrait être considéré comme un pur produit des instances financières internationales. De plus, ses opinions vis-à-vis du Franc CFA sont brouillées. Autant il clame que « l’Europe devrait traiter l’Afrique en adulte ». Autant il fait passer un programme écologique abstrait au premier plan chaque fois que le développement africain est abordé. Enfin, l’éventuelle présence d’Ousmane Sonko serait la plus curieuse de toutes. Le politicien sénégalais est toujours sujet d’une procédure judiciaire. En effet, le député est accusé de viol au Sénégal. Le contrôle judiciaire à son encontre est une mesure du gouvernement d’éviter plus de violences dans les rues. Puis, Sonko n’est clairement pas un spécialiste. Outre les critiques, il n’avait jamais proposé une solution concrète.
Donc, entre spécialistes et têtes brûlées, il est incertain si l’Afrique échapperait à cette nouvelle tutelle. Une tutelle dont le cercle pourrait bien s’élargir, CQFD. Cependant, les seules parties qui ne feront pas partie de la décision sont les populations africaines.