Sous la pression d’une centaine d’ONG africaines, des banques ont annulé leur promesse de prêt à Total en vue de la construction d’un pipeline est-africain de près de 1 500 kilomètres.
Des ONG de 49 pays, parmi lesquelles 122 organisations étant basées en Afrique, ont tenté d’alerter sur les menaces d’un projet d’oléoduc en Afrique de l’Est. Long de 1 445 kilomètres, ce méga-projet prévoit de traverser plusieurs pays : Ouganda, Tanzanie, République démocratique du Congo ou encore Kenya. Mais, prévient Natural Justice, un groupement d’avocats qui agit en faveur des communautés et de l’environnement, mais également pour « l’autodétermination des peuples autochtones », cet oléoduc représenterait un danger « pour les communautés locales, l’approvisionnement en eau et la biodiversité » dans ces différents pays.
Un projet dans lequel on retrouve la multinationale Total, épinglée par l’ONG Reclaim Finance. L’oléoduc doit relier la raffinerie de Hoima en Ouganda au port de Tanga en Tanzanie. Sur son site, Total rappelle que « la région du lac Albert en Ouganda recèle d’importantes ressources pétrolières, estimées à plus d’un milliard de barils ». La multinationale précise ensuite « L’Ouganda a souhaité les développer, à travers les projets Tilenga, opéré par Total et Kingfisher, opéré par CNOOC. La production sera acheminée jusqu’au port de Tanga en Tanzanie par un oléoduc transfrontalier, construit et opéré par la société EACOP (East African Crude Oil Pipeline) ».
Plusieurs banques se retirent du projet
Les ONG sont vent debout contre ce projet. Même Total avoue que « les projets de développement des ressources pétrolières de la région du lac Albert et d’oléoduc transfrontalier s’inscrivent dans un contexte sociétal et environnemental sensible qui requiert des mesures particulières sur le plan de l’environnement et du respect des droits des communautés ». Mais en Afrique de l’Est, personne ne croit aux promesses du pétrolier. Et les ONG, dans une déclaration datée du 1er mars dernier, ont demandé officiellement aux 25 banques prêtes à investir dans ce pipeline, de ne débloquer les fonds promis. Elles demandent aussi à Total une compensation « complète et équitable » aux communautés délogée et le développement des énergies renouvelables.
Une pression qui, petit à petit, met à mal le projet de pipeline, qui nécessite encore l’apport de 2,5 milliards de dollars, le projet étant estimé à 3,5 milliards. Car une dizaine de banques ont déjà fait machine arrière. A l’instar de la banque italienne UniCredit, précise l’agence Ecofin. « Nous confirmons qu’UniCredit a mis en place des politiques strictes pour empêcher la banque de financer des opérations qui présentent des risques environnementaux et qui violent de quelque manière que ce soit les droits de l’homme », déclare Tuulike Tuulas, responsable communication au sein de l’institution italienne. Plusieurs autres banques françaises — BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole —, suisses ou australiennes ont également revu leurs promesses envers Total. Un coup dur pour le pétrolier français.
Total assure sur son site qu’il a mis en place « un programme d’acquisition foncière selon les meilleurs standards internationaux », et qu’il porte « une attention forte au respect des droits des communautés concernées ». Les projets de Total, assure la multinationale, sont « en ligne avec nos engagements environnementaux ». Insuffisant : même la banque Barclays s’est retirée du projet. Si Emmanuel Macron a promis d’œuvrer en faveur du projet d’oléoduc, pour le moment, celui-ci est au point mort. Les autres banques alertées par les ONG ont mis en attente leur décision finale. Mais l’action des différentes organisations a, pour l’instant, porté ses fruits et obligera Total et les différents intervenants, si le projet aboutit, à une certaine transparence.