En menaçant le Niger d’intervenir militairement si Mohamed Bazoum n’était pas remis à son poste, le président de la Cedeao a montré que l’organisation ouest-africaine avance à contre-courant.
Le coup d’État au Niger a-t-il définitivement tué la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ? Alors que l’organisation ouest-africaine avait lancé, dès le putsch, un ultimatum à la junte militaire, en menaçant cette dernière d’un « recours à la force » si les militaires ne rétablissaient pas « l’ordre constitutionnel », dans les jours qui ont suivi la date limite imposée par la Cedeao, on a assisté à une volte-face de l’institution régionale.
Il faut dire que le Mali et le Burkina Faso, tous deux suspendus de la Cedeao, avaient assuré qu’ils aideraient les militaires nigériens en cas d’intervention militaire. De quoi faire reculer la Cedeao et son président, le Nigérian Bola Tinubu. Ce dernier a-t-il menacé le Niger de sa propre initiative ? Le Nigeria est, en tout cas, l’un des voisins du Niger, le plus grand pays de la Cedeao et, par conséquent, son principal financier.
L’initiative de Tinubu est en tout cas étonnante : la Cedeao, si elle a exclu le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, n’a rien fait après les coups d’État dans ces trois pays. Attaquer le Niger aurait donc semblé démesuré. Cependant, imposer un ultimatum pour, ensuite, reculer aura fait du mal à la Cedeao, dont l’image est de plus en plus écornée. Le « syndicat des présidents » a montré qu’il était isolé.
L’Union africaine plus mesurée que la Cedeao
Notamment vis-à-vis de l’Union africaine (UA). L’organisation continentale a tenue, le 14 août dernier, une réunion du Conseil Paix et Sécurité (CPS), à Addis-Abeba, avec la Cedeao. Et l’UA, lors de ce rendez-vous, a dit à la Cedeao tout le mal qu’elle pensait d’elle. Des sources proches de l’UA assurent qu’il a été demandé des comptes à l’organisation ouest-africaine après son ultimatum imposé au Niger.
La Cedeao, déjà affaiblie, semble avoir encore perdu des points. Les présidents des pays d’Afrique australe et d’Afrique du Nord ont dit aux chefs d’État ouest-africains qu’ils étaient opposés à toute intervention militaire. Les membres de l’UA ont également émis quelques doutes concernant les sanctions contre le Niger.
La Cedeao est désormais bloquée : si elle ne veut pas perdre la face, elle doit montrer qu’elle envisage toujours une intervention militaire. Mais, au fond, elle sait très bien que sans l’aval de l’UA, une telle intervention n’est pas du tout envisageable. La menace d’une intervention prouve d’ailleurs que la Cedeao est désormais un instrument au service des présidents ouest-africains. Tinubu, en déclarant une éventuelle guerre, pourrait provoquer une catastrophe humanitaire au Niger, risquerait de déstabiliser une région déjà touchée par le terrorisme et irait à l’encontre de la volonté du peuple nigérien, qui semble aujourd’hui soutenir les putschistes.
S’il campe sur ses positions dans les jours à venir, le président de la Cedeao risque tout simplement d’enterrer définitivement l’institution, qui se vide aujourd’hui de ses membres et qui, en se voyant dresser face à elle l’Union africaine, montre son inefficacité.