Au Bénin, un avocat français s’est déplacé pour constater les conditions de détention de Reckya Madougou. L’ancienne ministre béninoise, et ex-conseillère du président togolais Faure Gnassingbé, fera l’objet d’une demande de libération provisoire.
« Cinq femmes et un bébé qui pleure dans huit mètres carrés. Pas de télévision, pas de radio, des rats et pas de visites ». Voici les conditions de détention de Reckya Madougou, écrouée à la prison de Missrété à Cotonou. Une prison dont le régisseur et le gardien-chef ont été limogés et emprisonnés dernièrement. Les deux hommes auraient permis à Reckya Madougou d’utiliser des « appareils électroménagers » dans sa cellule, bien que le règlement l’interdise.
L’opposante du président du Bénin Patrice Talon, candidate déclarée du parti Les Démocrates, avait été empêchée de participer à l’élection présidentielle. Les forces armées ont violemment interpellé Reckya Madougou sur fond « d’association de malfaiteurs et terrorisme », peu de temps après.
L’un de ses avocats, Mario Stasi, a finalement pu lui rendre visite dans la semaine. Il a dénoncé hier « des conditions de détention indignes ». Reckya Madougou n’aurait pas droit aux visites. Hormis celles de sa mère, qui peut lui donner un sac en plastique avec de la nourriture, sans avoir le droit de lui parler. Stasi a déclaré qu’il s’agit d’« un vrai isolement qu’on lui fait subir ».
Au vu des conditions déplorables de l’emprisonnement de Reckya Madougou, ses avocats ont donc déposé une demande de remise en liberté. La défense explique : « La remise en liberté, même sous contrôle judiciaire, n’entraverait pas le déroulé d’une instruction ». L’avocat de Madougou aurait demandé une audience auprès du ministre de la Justice Sévérin Quenum, ce qui lui a été refusé.
#Bénin : les avocats de Mme Reckya #MADOUGOU vont déposer ce vendredi 9 juillet 2021, une demande de sa remise en liberté provisoire devant la #CRIET. pic.twitter.com/ZNm2YMmxLb
— ALI TOSSA (@Alitossa) July 9, 2021
Madougou persécutée par Patrice Talon ?
Les proches de Reckya Madougou dénoncent une affaire politique. En marge des événements de l’élection béninoise, un nombre important d’actes de répression a été relevé par les ONG. La totalité des opposants qui ne se sont pas enfui à l’étranger ont été arrêtés pour des charges de « terrorisme ». Parmi eux, Joël Aïvo, dit « le professeur ».
La première audience de ce dernier aura lieu le 15 juillet prochain. Quant à Reckya Madougou, elle a comparu devant la justice pour la première fois le 17 juin. Toutefois, rien ne filtre des audiences à huis clos de la CRIET. Les pressions sur le dossier des opposants incarcérés proviennent de toute part. Le président et richissime magnat du coton, Patrice Talon, ne s’est prononcé sur le sujet qu’une fois après sa réélection. Il avait déclaré que ses opposants « recrutent des gens pour brûler le pays et commettre des assassinats aveugles. S’ils ont été interpellés, c’est qu’il y a des preuves ».
Cependant, ces « preuves » se font toujours attendre. Et si les allusions de Talon quant à une « sponsorisation des chefs d’Etat des pays voisins » a causé des soucis avec le Togo, les deux chefs d’Etats autoritaires, à savoir Talon et Gnassingbé, se sont rabibochés ces derniers temps. Avec Reckya Madougou en guise d’oblation.
La réponse à la demande de libération provisoire de Reckya Madougou devrait survenir dans dix jours tout au plus. Un doute subsiste quant à un potentiel accord. Comment la CRIET justifierait-elle sa marche en arrière ? Madougou ayant déjà eu un malaise cardiaque et souffrant de détresse respiratoire, selon ses proches, les avocats espèrent que des raisons de santé seront suffisantes pour faire changer d’avis la justice béninoise.
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