Dans un entretien fleuve, le Premier ministre du Burkina Faso a remis en cause le partenariat entre Paris et Ouagadougou. Il estime, à demi-mots, que celui-ci n’est pas équitable.
« Il y a des questions à se poser ». C’est en ces termes que le Premier ministre du Burkina Faso, Albert Ouédraogo, a lancé un débat sur le partenariat entre Ouagadougou et son ancienne puissance coloniale, la France. Voilà à peine six mois que le Premier ministre a pris ses fonctions et le moins que l’on puisse dire est qu’il ne mâche pas ses mots.
Lors d’un entretien à la télévision publique du Burkina Faso (RTB), le Premier ministre burkinabè a confirmé qu’un partenariat avec Paris n’était pas forcément gagnant-gagnant. « Je pense qu’effectivement il y a des questions à se poser. On comprend les revendications parce que la France, c’est vrai, c’est le partenaire historique, c’est le premier partenaire, même en termes de chiffres ».
« L’aide doit servir à assassiner l’aide »
Paraphrasant Thomas Sankara, qui avait indiqué que « l’aide doit servir à assassiner l’aide », Albert Ouédraogo a affirmé que, « si depuis des années, cette coopération n’a pas permis d’assassiner l’aide, il faut se poser des questions ».
Comme au Mali, le peuple burkinabè est en première ligne pour réclamer plus d’équité dans les relations entre Ouagadougou et Paris. On se souvient, fin juillet, que plusieurs dizaines de personnes s’étaient rassemblées dans la capitale du Burkina Faso pour protester contre la présence de la France au Burkina Faso et avaient appelé à une grande mobilisation le 12 août. « En tant que dirigeants, nous ne pouvons pas continuer à rester sourds, à rester insensibles à ces revendications, parce que nous avons des composantes importantes de notre peuple qui le réclament », a affirmé le Premier ministre.
S’il balaie d’avance les accusations de l’existence d’un « sentiment anti-français » — « Il n’y a aucun problème entre les peuples burkinabè et français », assure-t-il —, le Premier ministre affirme que « le problème se pose en termes de politique et de relations de coopération entre les gouvernements ».
Il faut dire que la sortie, le 14 juillet dernier, de l’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade, reste encore en travers de la gorge d’une partie de la population locale. Le diplomate avait osé affirmer que « l’absence de résultats provoque des frustrations de plus en plus fortes dans le pays et que ce conflit endogène est, en réalité, une guerre civile : une partie de la population se rebelle contre l’Etat et cherche à le renverser ».
La bourde de l’ambassadeur français au Burkina Faso
Plus d’un mois après ces propos, Albert Ouédraogo se dit « indigné » et avoir « mal vécu ces propos », malgré des excuses de la part de Luc Hallade et de la France.
Malgré tout, comme Bamako, Ouagadougou va-t-elle se tourner vers d’autres puissances étrangères ? « La diversification des partenariats repose sur plusieurs principes. D’abord le principe de liberté. Pour nous c’est aller vers le partenaire qui nous arrange, quitte à froisser des partenaires historiques, résume le Premier ministre. Si certains partenaires ne sont pas contents du fait que nous allons avec d’autres, ça sera à notre corps défendant que nous allons rompre notre partenariat avec eux ».
Un appel du pied à la Chine, voire à la Russie ? Avec une certaine diplomatie, en tout cas, le Premier ministre burkinabè n’exclut rien. Il réclame simplement « des partenaires sincères qui veulent effectivement nous aider pour aller dans une logique de partenariat gagnant-gagnant ». Et la France ne semble pas être dans cette optique…