Addis-Abeba a annoncé le remplacement de Mulu Nega, le chef du gouvernement du Tigré. Abiy Ahmed a aussi décidé de classer le FLPT comme organisation terroriste. La région, en proie à la guerre depuis plus de six mois, est le théâtre d’une catastrophe humanitaire.
Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, a décidé mercredi de remplacer Mulu Nega, le chef du gouvernement intérimaire de la région du Tigré. A sa place, Addis-Abeba a nommé Abraham Belay. Mulu Nega a occupé le poste depuis novembre, après que le gouvernement éthiopien a annoncé sa campagne militaire contre le FLPT. Le lendemain, jeudi, le parlement éthiopien a décidé unanimement de classer le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) comme organisation terroriste.
D’un côté, la classification du FLPT comme entité terroriste élimine toute perspective de paix au Tigré. Sur un autre front, le limogeage de Nega met les troupes éthiopiennes de Mekele dans une situation difficile. En effet, bien que Nega fut longtemps un représentant d’Abiy Ahmed, il était relativement apprécié par les Tigréens.
Mulu Nega, un peu trop complaisant pour Abiy Ahmed
Après que les troupes éthiopiennes ont repris la capitale du Tigré, Mekele, en novembre, Nega a assumé officiellement ses fonctions sur le terrain. Nouveau gouverneur, il a établi un gouvernement régional intérimaire. Il a essayé d’établir une vraie administration dans le chef-lieu assiégé par la guerre civile.
Certaines de ses déclarations avaient sans doute déplu au gouvernement central. En effet, Nega aurait souvent partagé sa compassion envers les populations tigréennes. Il a parlé des « sentiments mitigés » qu’auraient les Tigréens, en traitant avec une administration qu’ils n’avaient pas élue. Mulu Nega avait déclaré à l’AFP en février : « Ils veulent des responsables qui prennent en charge la gouvernance de la région, mais ils ont des doutes, et c’est naturel ».
Lorsque l’ONU a dénoncé les exactions des soldats érythréens au Tigré, Nega a admis leur présence. Cependant, le Premier ministre Abiy Ahmed ne l’a fait que des semaines plus tard. Après la publication du rapport onusien, Nega a annoncé qu’il prévoyait de démissionner après la tenue des élections régionales.
Néanmoins, Abiy Ahmed n’a aucune intention de laisser les Tigréens élire leurs représentants, de peur que le FLPT n’accède au pouvoir par les urnes. Les mots de Mulu Nega représentaient une déclaration de trop, donc. Il sera alors remplacé par un proche d’Abiy Ahmed, Abraham Belay. Ce dernier était ministre de la Technologie au sein du gouvernement fédéral. Il a aussi grandement participé à la formation de la coalition parlementaire qui soutien Ahmed en Ethiopie.
Un parti politique… terroriste ?
Le prix Nobel de la paix et Premier ministre Ethiopien, Abiy Ahmed, a procédé à une autre mesure, un jour après avoir remplacé Nega. Il a fait voter une résolution que son gouvernement avait rédigée pendant le week-end. Selon le gouvernement éthiopien, le FLPT serait un groupe terroriste. Pour rappel, le FLPT est un parti politique. Initialement, il avait gouverné l’Ethiopie jusqu’en 2018. Ce n’est qu’après l’offensive du gouvernement fédéral, en novembre, que les militants du FLPT ont pris les armes contre l’armée éthiopienne. Bien que, au début du conflit, Abiy Ahmed avait justifié son offensive par des attentats des habitants du Tigré contre des points militaires du gouvernement fédéral.
Toutefois, maintenant que le FLPT a été classifié comme organisation terroriste, le cours du conflit a changé. Premièrement, les troupes éthiopiennes, et vraisemblablement érythréennes, auront l’opportunité de continuer ce que l’ONU qualifie de crimes de guerre au Tigré. Puis, même si l’une des parties prenantes souhaitait la paix, ce ne serait plus une option pour les chefs du FLPT. Ces derniers sont en fuite depuis des mois, et sont maintenant des criminels, selon la loi de leur pays. Pour Abiy Ahmed, qui s’est déjà isolé dans la sous-région et a provoqué l’Egypte et ses alliés, ces mesures au Tigré créeront certainement plus de problèmes qu’elles n’en résoudront.