Une stratégie globale ne semble pas être une priorité immédiate pour les autorités congolaises en vue des élections, selon Felix Mukwiza Ndahinda, de l’Université du Rwanda.
Depuis 30 ans, la République démocratique du Congo souffre de violences communautaires, de conflits armés et d’insécurité. Divers acteurs ont tenté d’y mettre un terme, mais le conflit s’est intensifié, en particulier dans les provinces orientales du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, de l’Ituri et du Tanganyika. Les forces armées régulières et les groupes armés non étatiques ont été impliqués dans les violences.
À la mi-avril 2023, il a été rapporté qu’il y avait 252 groupes armés locaux et 14 groupes armés étrangers dans ces provinces de l’est de la RD Congo.
L’incapacité de l’État congolais à garantir la sécurité a créé un terrain fertile pour l’émergence de groupes armés. Outre la violence, ils se livrent à diverses activités illicites, comme l’exploitation des richesses minières.
Affaibli par des décennies de régime kléptocratique et de soulèvements armés, l’État congolais compte sur le soutien d’acteurs régionaux et internationaux pour ramener la paix dans le pays. La mission de maintien de la paix et de stabilisation des Nations unies est présente en RDC depuis plus de 20 ans. En février 2023, la force de l’ONU (MONUSCO) comptait 16 316 hommes et femmes de 62 pays opérant en tant que troupes d’intervention, officiers d’état-major et experts de la mission.
Pour sa part, la Communauté d’Afrique de l’Est a achevé le déploiement de ses troupes en avril 2023. À peine les troupes installées, la RDC a demandé à la Communauté de développement de l’Afrique australe d’intervenir à son tour pour “rétablir la paix et la sécurité dans l’est de la RDC”.
Plus d’une décennie de recherches sur les politiques identitaires, l’indigénéité, les droits de l’homme, la justice transitionnelle et la consolidation de la paix dans la région éclairent mon point de vue sur ses perspectives de paix. Cette succession d’interventions militaires soulève la question de savoir si les acteurs nationaux et internationaux impliqués examinent réellement les échecs du passé et en tirent des leçons utiles. Les crises contemporaines émergent souvent de crises antérieures non résolues. C’est le cas ici.
Je soutiens que la RDC fait preuve d’un manque de vision, poussée par des pressions populistes et des calculs politiques. Elle fait du mouvement rebelle M23 la cible unique et idéale de ses actions, au lieu de résoudre ses problèmes plus profonds et plus larges.
Perturber les forces de maintien de la paix
La plupart des problèmes que le gouvernement de la RDC et d’autres acteurs régionaux ont entrepris de résoudre sont bien connus et documentés. La base de données Peacemaker de l’ONU répertorie 19 accords conclus depuis l’accord de Syrte de 1999. Cet accord a précédé les négociations visant à mettre fin à la deuxième guerre du Congo en 2003.
La RDC s’est engagée à garantir la sécurité des différentes communautés, à résoudre les problèmes d’identité, de citoyenneté et de terres, à superviser le retour des réfugiés et à mettre en place un processus de démobilisation répondant aux préoccupations de différents belligérants.
Le mandat de la force de la Communauté de l’Afrique de l’Est a été formulé dans cet esprit. La force devait, en collaboration avec les autorités militaires et administratives congolaises, stabiliser et garantir la paix en RDC. Le déploiement initial de troupes kenyanes, burundaises, ougandaises et sud-soudanaises devait atteindre entre 6 500 et 12 000 soldats dans l’est de la RDC.
L’idée était de réduire les tensions en imposant un cessez-le-feu et un retrait des groupes armés sur leurs positions initiales. Les groupes armés locaux seraient démobilisés de manière ordonnée dans le cadre d’un processus politique impliquant des pourparlers avec les autorités congolaises. Enfin, les groupes armés étrangers seraient rapatriés.
Ce que l’on a appelé le processus de Nairobi plaçait la résolution de la crise du M23 dans une approche plus large de rétablissement de la paix non seulement au Nord Kivu mais aussi au Sud Kivu et en Ituri. Tous les groupes armés nationaux et régionaux actifs dans l’est de la RDC devaient être désarmés et l’accent était mis sur le dialogue.
Très vite, les choses ont mal tourné. Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a carrément critiqué la force de la Communauté d’Afrique de l’Est et a suggéré qu’on pourrait lui demander de partir.
Il semble qu’une stratégie de paix globale ne soit pas une priorité immédiate pour les autorités congolaises. Elles ont les yeux rivés sur les élections. Celles-ci sont prévues en décembre 2023 et le président actuel brigue un second mandat. L’administration de Tshisekedi a fait de la lutte contre le M23 et ses soutiens présumés un outil de mobilisation populaire pour soutenir ses politiques. Par conséquent, le succès militaire et diplomatique sur ce front reste sa priorité.
Vers une paix durable
Les autorités de la RDC ont également annoncé que les forces de maintien de la paix de l’ONU dans le pays seraient retirées d’ici décembre 2023.
Les autorités congolaises ont critiqué la force est-africaine et la mission de l’ONU pour leur manque de volonté de combattre le M23. Le M23 est considéré comme ne représentant rien de plus qu’une intervention masquée rwandaise (et parfois ougandaise) en RDC, et comme la plus grande menace pour l’intégrité territoriale congolaise.
La contre-stratégie de la RDC consiste à reconnaître certains groupes armés locaux comme des patriotes résistants (Wazalendo) à soutenir officiellement dans la lutte contre une agression extérieure. Plusieurs fonctionnaires ont exprimé leur soutien à ces combattants Maï-Maï-Wazalendo.
Aucun des éléments déclencheurs des crises récurrentes en RDC ne peut être abordé dans cette atmosphère. Il est improbable d’imaginer pistes de solution pour une paix durable sans d’abord traiter des droits fonciers, des revendications pour un traitement égalitaire de tous les citoyens et des institutions de gouvernance inclusive qui répondent aux besoins de l’ensemble de la population congolaise.
La mise en œuvre d’une stratégie globale qui s’attaque à la belligérance et au désarmement de tous les groupes armés par le biais d’une stratégie combinant l’intervention militaire et des dialogues politiques, telle qu’imaginée dans le cadre du processus de Nairobi, devrait être la principale priorité de toute initiative pour une paix durable. La paix entre les peuples et les pays de la région exige un véritable engagement à traiter toutes les dimensions locales, régionales et internationales des crises à répétition dans l’est de la RDC.
Felix Mukwiza Ndahinda, Honorary Associate Professor, College of Arts and Social Sciences, University of Rwanda
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.