Pour lutter contre les accidents, il faut renouveler le parc automobile, sensibiliser au respect du Code de la route et interdire la circulation de certains types de véhicules, estime le chercheur Yoro Dia.
Les accidents de la route sont devenus le principal sujet d’actualité au Sénégal en ce début d’année 2023, à cause notamment des drames survenus à Sikilo, dans le centre du pays, et à Sakal, dans le Nord, qui ont fait respectivement 40 et 22 morts et plusieurs blessés, lors de chocs entre véhicules.
Durant ces dernières années, on a constaté au Sénégal une modernisation des infrastructures routières et des moyens de transport avec la construction d’autoroutes et de voiries dans les grands centres urbains.
Entre 2012 et 2020, un linéaire de 2526 km de routes bitumées, 210 km d’autoroutes, 21 ponts et autoponts, 6673 km de pistes rurales ont été construits, selon le ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement.
En 2021, l’Etat a également mis en place un Fonds de développement des transports terrestres destiné au financement de l’investissement et de l’exploitation pour la modernisation des systèmes de transports publics.
Malgré ces efforts, le trafic routier est devenu plus dense au Sénégal.
Les accidents de la circulation constituent un phénomène de plus en plus inquiétant de par leur ampleur avec des dommages en matière de perte de vies humaines et de dégâts matériels importants dans le pays.
Une véritable atmosphère de psychose générale et de sentiment d’insécurité a été créée par ces accidents assez fréquents avec plus de 49 611 cas répertoriés sur l’ensemble du territoire sénégalais entre 2018 et 2020, dont 2234 décès, selon les statistiques recueillies auprès de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers.
Dans notre thèse de doctorat qui doit être présentée en février 2023), nous examinons les accidents de la route au Sénégal de 2018 à 2020. Et nous avons constaté le vieillissement du parc automobile sénégalais, le non-respect du Code de la route et la forte implication des véhicules de types camions et camionnettes à l’usage transports urbains et marchandises.
Vieillissement du parc automobile
Plus de 40% des véhicules impliqués dans des accidents sont âgés de plus de 20 ans dont sont des véhicules de types camions et camionnettes à l’usage transports marchandises et urbains. Ces accidents sont survenus entre 12 heures à 18 heures
On assiste aussi à l’implantation d’usines de montage de véhicules comme SENBUS, inauguré en 2003, en partenariat avec la multinationale indienne, Tata Motors, avait comme objectif de produire 600 minibus de 30 places par an pour répondre à la demande nationale et sous-régionale en véhcules de transport de masse.
On remarque également la mis en place de beaucoup d’autres structures évoluant dans le domaine du transport (agences de voyages, auto-écoles, parkings pour vente de véhicules, etc.).
Parallèlement, l’Etat a revu la limite d’âge des véhicules importés qui est passé de 5 à 8 ans. Le décret portant sur relèvement de l’âge des véhicules admis en importation au Sénégal est adopté depuis 2012 et, selon les données fournies par les différents services comme la douane, le nombre de véhicules importés est passé, entre 2011 et 2012, de 14 317 à 26 303, soit près de 84 % de croissance du parc automobile sénégalais.
Le nombre de véhicules immatriculés augmente dans toutes les régions du pays. En février 2021, il y avait 652 000 véhicules immatriculés au Sénégal.
Cette situation n’est pas sans conséquences, car on constate au même moment une augmentation du nombre d’accidents de la route.
Non-respect du code de la route
En ce qui concerne le non-respect du code de la route, nous avons relevé que 15,2 5% des accidents sont dus à la non-respect du Code de la route.
Connaître et maîtriser le langage de la route est une condition obligatoire pour conduire. La plupart des conducteurs de matériel roulant ont appris le code de la route dans les auto-écoles. Mais malgré le temps passé dans l’apprentissage de ce langage important de la route, en circulation, certains conducteurs ne respectent pas le Code de la route. En pleine circulation, une fraction de seconde d’inattention peut se révéler fatale et dramatique.
Dépassement dangereux
Les dépassements dangereux constituent 13,55 % des accidents. Beaucoup de conducteurs ne respectent les règles propres à cette opération alors qu’elles sont inscrites dans le code de la route. Mais les usagers qui sont dépassés sont également tenus d’adopter un comportement prudent afin de ne pas mettre en danger les autres usagers.
Changement de couloir
Le changement brutal de couloir est à l’origine de 2,85% des accidents. En toutes circonstances, même sur des routes familières, le changement brutal de couloir est à éviter pour lutter contre les collisions de véhicules qui peuvent engendrer des dégât corporels et matériels.
L’entrée imprudente dans la circulation
Last but not least, 3,5% des accidents sont dus à l’entrée imprudente dans la circulation. Les usagers doivent se comporter sur la route de manière telle qu’ils ne causent aucune gêne ou danger pour les autres usagers. Une entrée imprudente d’un des usagers peut causer des dégâts non seulement pour l’auteur mais aussi pour les autres usagers.
Les solutions possibles
Actuellement, au Sénégal, on note une absence d’études permettant d’identifier le coût des accidents de la route. Cette contrainte documentaire pose plusieurs problèmes, notamment la possibilité d’évaluation des différents programmes de prévention.
Il reste beaucoup à faire pour améliorer la sécurité routière au Sénégal. Pour cela, nous pouvons avancer quelques propositions basées sur les résultats de nos études :
• Il faudrait orienter et développer la recherche dans ce domaine en économie de la santé.
• L’État doit sanctionner les contrevenants en appliquant la tolérance zéro dans les cas d’infraction au code de la route, en précédant par exemple au retrait immédiat du permis de conduire et à la mise à la fourrière du véhicule.
Il peut, dans ce cas, mettre en place des tribunaux de la route avec des magistrats spécialisés dans la circulation routière.
• L’amélioration la prévention en développant l’éducation à la sécurité routière notamment en insérant dans les programmes scolaires des cours relatifs au thème est égalemen****t une solution.
• Les assurances pourraient utiliser une part de leurs ressources en vue de contribuer à la prévention des accidents de la route.
• Il faut mettre l’accent sur la lutte contre la corruption au niveau des contrôles techniques.
• Le renouvellement du parc automobile doit également être pris en compte.
• L’interdiction de la circulation des grands véhicules de type camions et camionnettes à l’usage transports urbains et marchandises durant les heures de pointe, de 12 heures à 18 heures où on constate une pointe dans le débit du trafic urbain est aussi une solution.
Yoro Dia, Chercheur, Université Iba Der Thiam de Thiès
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.