Ce mercredi, dans le cadre de la Coupe du monde, la Tunisie retrouve la France. Dans les tribunes, les supporters tunisiens devraient siffler « La Marseillaise ». Faut-il y prêter attention ?
Octobre 2008. La France rencontre la Tunisie en match amical. Des sifflets accompagnent alors l’hymne national français, « La Marseillaise ». Le président français à l’époque, Nicolas Sarkozy, n’avait pas voulu ignorer l’événement, qualifiant l’incident de « scandaleux ». La ministre des Sports Roselyne Bachelot avait alors pris la décision que, désormais, « tout match où notre hymne national sera sifflé sera immédiatement arrêté » et que tous les matches amicaux avec le pays concerné seraient suspendus. Dans l’Hexagone, ces sifflets avaient lancé un débat sur l’immigration du Maghreb, sept ans après un match France-Algérie très tendu qui avait fait couler beaucoup d’encre et un an après que des supporters marocains avaient, eux aussi, sifflé « La Marseillaise ».
Mercredi prochain, l’équipe de France retrouve les Aigles de Carthage, cette fois avec un enjeu : les Tunisiens doivent absolument gagner pour espérer pouvoir se qualifier pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde, alors que les Bleus sont déjà sûrs d’y participer. Avec une question qui trotte dans les têtes : l’hymne français sera-t-il une nouvelle fois sifflé ?
Une marque de fabrique « made in Tunisia »
Il y a de fortes chances d’entendre des supporters tunisiens siffler « La Marseillaise ». C’est presque devenu une marque de fabrique pour les supporters des Aigles de Carthage qui, depuis plusieurs matches, huent les hymnes nationaux des pays avec lesquels ils n’ont d’ailleurs aucune histoire.
En septembre dernier, lors d’un match amical contre le Brésil, une polémique avait éclaté : l’hymne brésilien avait été sifflé, tandis que des actes racistes avaient émaillé la rencontre. La Fédération tunisienne de football avait alors souligné l’attitude « exemplaire » des supporters tunisiens, demandant une enquête pour prouver que les actes racistes avaient été proférés par des fans des Aigles de Carthage et passant sous silence les sifflets pendant l’hymne du Brésil.
Contre le Danemark, les supporters tunisiens ont également été critiqués pour des sifflets au moment des hymnes.
Les supporters tunisiens qui sifflent l’hymne danois…
— BeFootball (@_BeFootball) November 22, 2022
Pressions et rivalités
Des actes qui, il faut le rappeler, sont assez isolés : si des supporters tunisiens sifflent les hymnes des adversaires, ce n’est pas le cas de la totalité des fans.
Et, pour autant, faut-il y voir un problème réel ? Alors président de l’Union européenne de football (UEFA), Michel Platini, indiquait en 2008 : « Je ne vois pas dans les sifflets (…) un manque de respect ou une insulte (…) mais simplement des manifestations contre un adversaire d’un soir ». L’ex-international déplore la récupération politique des sifflets contre les hymnes : « Il y a trente ans, quand je jouais avec l’équipe de France, ‘La Marseillaise’ était sifflée sur tous les terrains. Mais à l’époque, les politiques ne s’intéressaient pas au football et ça ne choquait personne ».
Nul doute, cependant, que des sifflets contre « La Marseillaise » mercredi provoqueront un nouveau débat politique en France, où l’extrême droite, entre autres, s’emparera à coup sûr de ce match. Et une nouvelle fois, les médias français agiteront la difficile relation entre la France et le Maghreb, alors que « ce sont tous les adversaires des Aigles de Carthage qui ont eu droit au même traitement de faveur », assure Aïda Touhiri, journaliste à Franceinfo.
Il sera donc bon de rappeler que, en 2007, les supporters italiens ont eux aussi sifflé « La Marseillaise » au stade San Siro. Ou que, en 2005, des fans israéliens avaient fait de même. En 2005, supporters suisses et turcs ont sifflé leurs hymnes respectifs.
Pour William Nuytens, sociologue spécialiste des comportements des supporters, « le stade est l’un des rares endroits où l’on peut encore manifester publiquement ». Pas de quoi fouetter un chat donc. Cependant, une autre question découle de cette problématique. Sepp Blatter, ex-président de la Fédération internationale de football (Fifa), se demandait il y a quelques années « si cela a encore un sens de jouer les hymnes nationaux », alors que « quand un nationalisme exacerbé s’ajoute à la passion et à l’émotion, cela devient explosif ».