Des variations de température extrêmes dans les déserts et très faibles sur certaines îles. Explications physiques.
Les déserts comme le Sahara, le Kalahari, ou le grand désert australien sont le lieu de très fortes amplitudes thermiques sur une journée.
Alors que la température peut atteindre une cinquantaine de degrés sous un soleil de plomb du Sahara dans une ville comme Djanet en Algérie, celle-ci peut descendre d’une trentaine de degrés la nuit suivante.
Comment se fait-il qu’en certains lieux, comme dans les îles au milieu de l’océan la température ne varie quasiment pas entre le jour et la nuit alors qu’en d’autres comme les déserts la variation de température est si forte ?
Conduction, convection et rayonnement
Les transferts de chaleur s’effectuent selon trois modalités. La conduction, qui correspond à un transport de chaleur dans la matière des hautes vers les basses températures, la convection, qui est un transfert de chaleur associé à un mouvement de fluide et le rayonnement qui correspond à un transfert d’ondes électromagnétiques entre corps chauffés. Pour prendre en compte les échanges thermiques, il convient de prendre en compte également l’inertie thermique qui désigne la capacité d’un matériau à emmagasiner de la chaleur.
Le bilan thermique dans les déserts est fortement dominé par les échanges radiatifs (liés au rayonnement thermique). Sur Terre, la principale source d’énergie provient du soleil qui est un corps dont la température de surface est de 6000 °C et qui émet du rayonnement dans le domaine visible.
De jour, en l’absence de couverture nuageuse comme sur n’importe quel point à la surface de la planète, le sol du désert reçoit et absorbe le rayonnement thermique du soleil. Comme tout corps chauffé à des températures ordinaires, le sol chauffé émet lui principalement dans le domaine infrarouge et rayonne vers l’atmosphère terrestre et le ciel. Or, si l’atmosphère terrestre est bien transparente pour le rayonnement visible, tel n’est pas le cas pour le rayonnement infrarouge. L’atmosphère empêche en effet une partie de ce rayonnement de repartir vers l’espace. C’est le fameux effet de serre qui permet à notre planète d’avoir une température moyenne de 15 °C, qui serait de -18 °C en l’absence de ce phénomène. De jour, l’absorption du rayonnement solaire est bien supérieure à l’émission du sol à travers l’atmosphère si bien qu’au final le sol chauffe sur une faible épaisseur dizaine de centimètres. La nuit, l’absorption du rayonnement solaire n’a plus lieu et le sol se refroidit vers le ciel à travers l’atmosphère.
Une atmosphère plus ou moins transparente
La transparence de l’atmosphère dépend de plusieurs paramètres. Elle dépend du rayonnement considéré (visible, infrarouge), de la concentration en certains gaz à effets de Serre (CO2, Méthane, Vapeur d’eau), de son épaisseur et de la couverture nuageuse. Ainsi, dans l’infrarouge, plus l’atmosphère est sèche et plus l’atmosphère est fine (par exemple en altitude) plus elle sera transparente. Au contraire, une atmosphère contenant des nuages est pratiquement opaque au rayonnement infrarouge. Dans un désert l’humidité peut descendre à des niveaux très bas l’été jusqu’à quelques pourcents d’humidité relative. Dans ces conditions l’atmosphère est quasiment transparente si bien que le sol échange directement avec l’espace dont la température n’est que de quelques degrés au-dessus du zéro absolu. Les conditions sont alors réunies pour un refroidissement radiatif très important.
D’autres paramètres peuvent encore augmenter ce phénomène. Tout d’abord, l’émission thermique du sol dépend de sa composition. Le sable et la neige émettent ainsi beaucoup plus que la végétation notamment celle constituant les plaines et les forêts. D’autre part, la présence de vent accroît les échanges entre l’air et le sol.
Nous sommes alors en présence d’un transfert thermique par convection. Si au cours de la nuit l’air devient plus chaud que le sol, celui-ci réchauffera le sol et réduira donc son refroidissement. Au contraire, l’absence de vent réduira les transferts par convection et conduira à des conditions très favorables au refroidissement.
De plus, le sable constituant le sol du désert a une inertie thermique relativement faible. Autrement dit, la quantité de chaleur stockée par le sable chauffé à une certaine température est plus faible que pour un matériau comme de la terre, humide, du béton ou de l’eau. Pour un refroidissement donné, plus la quantité de chaleur stockée est faible et plus l’évacuation de la chaleur s’effectuera rapidement conduisant à une baisse brutale de la température durant la nuit. Ainsi, la faible humidité des déserts, leur absence de couverture nuageuse et leur constitution d’un matériau très émissif et présentant une faible inertie thermique sont responsables du fort refroidissement nocturne et de la grande amplitude thermique observée dans ces espaces.
Les considérations précédentes permettent également d’expliquer d’autres situations ou l’amplitude thermique journalière peut être très importante. Ainsi le village de Mouthe (Doubs) dans le massif du Jura détient le record de froid (-36,7 °C) et d’amplitude thermique journalière en France (37,8 °C). Sa situation l’hiver sur un plateau enneigé en fait un site qui émet fortement vers l’espace quand l’humidité est très faible. Cette configuration de plateau est également plus favorable à l’absence de vent contrairement à celle de communes de montagnes où des différences de température à des altitudes variables déclenchent des courants de convection atténuant le refroidissement du sol.
A contrario les îles comme Ouessant qui connaissent moins d’un jour de gel par sont connues pour être des lieux de faible amplitude thermique. Ouessant a un climat très venteux, nuageux et est située au milieu de la mer. L’océan dont la température est uniforme sur une grande épaisseur possède une forte inertie thermique. Sa température ne varie pratiquement pas à l’échelle de la journée. Au final, les conditions pour un fort refroidissement nocturne (absence de vent, nuit claire, faible humidité et faible inertie thermique) ne sont quasiment jamais réunies. Tous ces éléments qui limitent le refroidissement radiatif font que la température dans les îles et plus généralement en bord de mer varie beaucoup moins à l’échelle de la journée qu’à l’intérieur des terres.
Karl Joulain, Professeur de physique et d’énergétique, Université de Poitiers
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.