Il y a trente-sept ans, jour pour jour, la Haute-Volta devenait le Burkina Faso. A sa tête, un révolutionnaire, véritable héros du pays : Thomas Sankara.
Alors que Blaise Compaoré a été inculpé, en avril dernier, pour le meurtre de Thomas Sankara, le Burkina Faso se rappelle, en ce 4 août, la mémoire d’un des héros de la Nation. Après un coup d’Etat militaire en Haute-Volta, mené par son compagnon d’armes Jean-Baptiste Ouédraogo, Thomas Sankara est nommé Premier ministre. Mais l’idylle entre les deux hommes durera à peine quatre mois et une semaine. Le 17 mai 1983, Sankara est débarqué. Un mois plus tard, il est arrêté par son ancien commandant, soupçonné de complot avec la Libye et de vouloir renverser le gouvernement d’Ouédraogo.
Thomas Sankara a pourtant joué un rôle capital pour renverser, quelques mois plus tôt, le colonel Zaye Zerbo, chef de l’Etat de la Haute-Volta en place depuis novembre 1980. Capitaine-parachutiste, Sankara et Ouédraogo finissent par prendre le pouvoir par les armes. Thomas Sanakara a pourtant été nommé secrétaire d’Etat à l’information dans le gouvernement de Zerbo. Il avait rapidement démissionné lorsque le droit de grève avait été supprimé en Haute-Volta. En avril 1982, il dit à la télévision : « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ». Sankara s’exile alors de la capitale voltaïque et ne revient que quelques mois plus tard pour renverser Zerbo.
Il faut dire que Thomas Sankara cumule toutes les qualités du héros révolutionnaire : anti-impérialiste, socialiste et panafricaniste, son profil plaît aux populations. Alors que son ex-allié Ouédraogo détourne, selon lui, le pouvoir, il renverse le régime dans la nuit du 4 au 5 août 1983. Un coup d’Etat que Sankara nomma rapidement révolution. Président du Conseil national révolutionnaire qui doit gouverner le pays, Sankara devient, de fait, le président de la Haute-Volta.
« La patrie ou la mort »
Un an après son arrivée à ce poste, Thomas Sankara prend une première mesure symbolisant l’anti-impérialisme dont il se réclame : changer le nom de la Haute-Volta en Burkina Faso — comprenez « Patrie des hommes intègres ». Dans ses bagages, Sankara arrive avec une série de mesures très populaires. Il accuse l’ancien gouvernement de collusion avec les ex-colonies. Ouédraogo a, affirme-t-il, servi « les intérêts de la domination étrangère et du néo-colonialisme ».
Adepte du non-alignement, Sankara met donc en œuvre une politique très sociale, mettant au centre de ses réformes l’éducation et la santé, mais aussi les femmes. Pour ne plus dépendre des ex-puissances coloniales, le militaire réforme également l’agriculture, avec pour objectif l’autosuffisance. Sankara ne veut plus entendre parler des aides internationales et veut une indépendance totale. Il s’attaque par la même occasion à la corruption.
Ce 4 août 1983 restera comme l’une des dates les plus importants de l’histoire du Burkina Faso. Quatre ans avant d’être renversé à son tour par Blaise Compaoré, Thomas Sankara aura eu, pour le Burkina, une véritable vision. Pour l’Afrique aussi, puisqu’il prônait l’unité des pays du continent.
Reste à savoir comment ce jour-là, Thomas Sankara a réussi à déjouer le pouvoir, qui savait pourtant qu’il préparait un coup d’Etat. A-t-il été aidé par le « Guide de la révolution » libyen Muammar Khadafi ? Sankara dira que non. Sankara a, outre son amitié avec la Libye, un certain amour pour le modèle cubain. De quoi suffire à faire de lui un « Che Guevara africain ». Comme ce dernier, Thomas Sankara prendra d’ailleurs l’habitude de conclure ses discours par : « La patrie ou la mort ».