Le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies (CDH) a choisi l’ancienne procureure générale de la CPI, Fatou Bensouda, pour enquêter sur les violations des droits humains dans le conflit du Tigré, en Ethiopie.
Depuis les premiers rapports sur les exactions commises dans le cadre de la guerre du Tigré, dans le nord de l’Ethiopie, l’Organisation des Nations unies (ONU) a régulièrement accusé Addis-Abeba, mais également le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT).
En décembre dernier, le Conseil des droits de l’Homme (CDH) a voté pour la création d’une commission, qui sera chargée d’enquêter sur les présumées violations commises par toutes les parties prenantes, et d’en identifier les auteurs.
Ce mercredi 2 mars, dans un communiqué, le président du CDH Federico Villegas Beltrán a annoncé la composition de la commission. Quatre experts composeront cette dernière. A la tête de la commission, on retrouvera l’avocate gambienne Fatou Bensouda.
Procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI) entre 2012 et 2021, avant d’être remplacée par le pakistano-britannique Karim Khan en juin dernier, Fatou Bensouda est le symbole de l’échec cuisant de la juridiction internationale.
Dans les années 1990, Bensouda était conseillère juridique de la présidence de son pays, puis ministre de la Justice sous le dictateur Yahya Jammeh. Au moment de sa nomination à la tête de la CPI, elle avait été accusée d’avoir participé aux exactions du régime du chef de l’Etat gambien.
L’obsession africaine de Fatou Bensouda
A la CPI, en 2019, Fatou Bensouda a été interdite de visa par les Etats-Unis, puis sanctionnée, après qu’elle avait ouvert une enquête sur les exactions de l’armée américaine en Afghanistan. La même année, elle était attaquée par le gouvernement israélien en raison du lancement d’une enquête sur la situation en Palestine.
Hautement critiquée par l’Union africaine, Bensouda a souvent été accusée d’opportunisme, notamment en raison du déséquilibre des cas traités par la CPI : la Cour s’intéressait bien plus aux crimes perpétrés en Afrique que ceux commis dans le reste du monde.
Entre les condamnations lourdes du rebelle ougandais Dominic Ongwen et du général congolais Bosco Ntaganda (alias « Terminator »), ainsi que la saisine de la CPI pour le Soudanais Ali Kusheib et l’acharnement contre Laurent Gbagbo, il est indéniable que les premières cibles de Bensouda étaient africaines.
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Les parties éthiopiennes prêtes à coopérer avec le CDH
Egale à elle-même, donc, c’est maintenant le dossier complexe de l’Ethiopie que Bensouda devra gérer. Cette fois, au sein du CDH des Nations unies, le panel d’experts de Bensouda devra « établir les faits et les circonstances entourant les violations et abus allégués, conserver les preuves afin d’identifier les responsables » des crimes commis au Tigré. Le rapport de la commission dirigée par Fatou Bensouda sera présenté au CDH vers la fin de l’année 2022.
Le gouvernement éthiopien, qui a souvent critiqué l’ONU pour sa partialité, a déclaré qu’il coopèrerait à l’enquête. « Il y a de la lumière au bout du tunnel pour le peuple éthiopien, qui optera pour la paix et la réconciliation. Nous coopérerons à toute enquête axée sur la protection véritable des droits de l’homme », a affirmé le ministre éthiopien de la justice Gedion Timotheos.
De leur côté, les rebelles tigréens du FLPT avaient, en décembre, salué le CDH pour la création de la commission d’enquête. Toutefois, le FLPT a été accusé également d’exactions — documentées — contre les civils, notamment au moment de la prise de Mekele, et lors de l’assaut de la région d’Afar.