En Somalie, à cinq jours des élections générales, les deux rivaux, le président et son Premier ministre, sont tombés d’accord pour mettre fin à un accord pétrolier avec une compagnie américaine.
Samedi dernier, quelques heures seulement après l’annonce de la signature d’un accord pétrolier de production partagée (PSA) entre la Somalie et la compagnie américaine Coastline Exploration, le deal comportant sept blocs offshores est tombé à l’eau.
En effet, le président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, surnommé Farmaajo, et son Premier ministre Mohamed Hussein Roble ont tous les deux dénoncé l’accord, qu’ils jugent illégal.
L’accord pétrolier, premier accord PSA dans l’histoire du pays — la Somalie n’est pas productrice d’hydrocarbures en dépit de ses larges réserves —, avait été conclu par le ministre du Pétrole Abdirashid Mohamed Ahmed.
Un accord jugé illégal par la présidence et la primature, qui rappellent que la période électorale interdit la conclusion d’un tel accord. Selon la Constitution somalienne, il est en effet interdit au gouvernement de « conclure des accords avec des Etats ou entités étrangers (…) en période électorale ».
La Somalie, futur producteur majeur d’hydrocarbures ?
Pour la compagnie américaine Coastline Exploration, qui appartient au magnat américano-suisse Jake Ulrich, il s’agissait du cinquième accord majeur en Afrique de l’Est depuis la création de la compagnie en 2009. Coastline Exploration avait repris les avoirs de la major britannique Cove Energy en 2012 et réussi à obtenir des accords pétroliers et gaziers au Mozambique, en Tanzanie et au Kenya.
Avant qu’il ne soit annulé, l’accord, expliquait le ministre du Pétrole, avait été signé après de « longues négociations » entre le gouvernement somalien et Coastline Exploration. « L’exploration sismique indique que la Somalie a la possibilité de devenir un important pays producteur de pétrole et de gaz », avait déclaré le ministre Abdirashid Mohamed Ahmed.
Mais il n’en sera finalement rien, pour le moment en tout cas. La faute, notamment, au différend qui oppose Faarmajo à Roble.
Un front désuni en attendant les élections
Dans la presse somalienne, on se réjouit du nouveau « front » formé par le Premier ministre et le président, qui agissent au nom de « l’intérêt de la nation, même en pleines élections ».
Toutefois, la décision commune de la présidence et du gouvernement relève simplement du respect de la loi. Farmaajo et Roble sont à couteaux tirés depuis des mois. Après que le président Mohamed Abdullahi Farmaajo a vu la prolongation de son mandat déclarée nulle par le parlement, le chef de l’Etat somalien a suspendu son Premier ministre à deux reprises. Et Mohamed Hussein Roble semble avoir l’ambition de remplacer Farmaajo à son poste.
Le contexte géopolitique, lui, est complexe. Durant son mandat, Farmaajo – qui a la double nationalité américano-somalienne –, a été soutenu par le chef d’Africom Stephen Townsend. Mais ce dernier a abandonné son allié en décembre, après une énième suspension du Premier ministre. De son côté, Mohamed Hussein Roble entretient de bonnes relations avec les pays européens, notamment avec l’Italie, l’Allemagne et les pays scandinaves.
Au niveau national, l’insécurité rampante et la menace du groupe terroriste Shebabs font qu’en réalité, l’Etat n’est vraiment souverain que dans la capitale Mogadiscio.
Un autre souci que les deux chefs de l’exécutif cherchent à résoudre avant les élections du 25 février. Le système électoral somalien prévoit l’élection de délégués de chaque clan ou tribu du pays, qui nomment les parlementaires, qui à leur tour élisent le président.
Le deal pétrolier avec Coastline Exploration ne sera donc, en réalité, que suspendu. Alors que le pays connait l’une des plus graves crises socio-économiques, un PSA dans le secteur d’hydrocarbures pourrait faire office de tremplin pour le chef de l’exécutif. Qu’il s’agisse, dans un futur proche, de Roble ou de Farmaajo, la cession des ressources naturelles sera l’atout du prochain occupant de Villa Somalia.