Si Samuel Eto’o et Patrice Motsepe estiment qu’une sélection africaine pourra un jour remporter la Coupe du monde, une étude réalisée par des chercheurs de Harvard tente d’expliquer pourquoi il faudra attendre plusieurs décennies.
« Une équipe africaine doit gagner la Coupe du monde dans un avenir proche ». Lorsqu’il a pris les rênes de la Confédération africaine de football (CAF), le Sud-Africain Patrice Motsepe a promis, à demi-mots, qu’une sélection continentale soulèverait bientôt le trophée le plus prestigieux du football. Il faut, précisait le nouveau patron de la CAF, que l’on « arrête d’être trop pessimistes et négatifs à propos du Mondial ». Plus récemment, le nouveau patron du football camerounais Samuel Eto’o déclarait : « Les gens se disent que gagner une Coupe du monde, c’est presque impossible pour l’Afrique. Mais moi, je me dis que c’est possible ».
Pourtant, le bilan africain parle pour lui : lors des précédentes Coupes du monde, aucune sélection d’un pays du continent n’a pu dépasser les quarts de finale. Certes, en 1990, le Cameroun créait la surprise en Italie, devenant le premier pays africain à atteindre les quarts de finale. Après une prolongation équilibrée, Roger Milla et ses partenaires s’étaient finalement inclinés. Douze ans et vingt ans plus tard, le Sénégal et le Ghana calaient au même stade de la compétition.
Au vu des dernières performances africaines, force est de constater qu’aucune sélection continentale ne semble vraiment prête à remporter le prochain Mondial. D’autant que 2018 a traumatisé le continent : aucune équipe africaine n’avait réussi à s’extirper des phases de poules.
S’il existe un véritable problème de formation dans les différents pays du continent, les Africains semblent s’être fait une raison : la victoire en Coupe du monde n’est pas pour demain. Et la perspective d’une Coupe du monde tous les deux ans qui serait bénéfique pour le football africain ne laisse pas espérer une victoire finale africaine à court terme.
Les équipes africaines s’améliorent, mais l’écart se creuse
Mais y aurait-il d’autres raisons aux échecs africains en Coupe du monde ? Le constat a intéressé les chercheurs de l’université américaine d’Harvard. Ces derniers ont publié, il y a quelques mois, une étude sur le sujet. Une analyse des performances des meilleures équipes africaines entre 1970 et 1979, puis entre 2010 et 2019, montre que le niveau a augmenté sur le continent, mais que les équipes africaines sont encore loin des performances des équipes historiques comme le Brésil, l’Allemagne ou la France.
Surtout, l’étude montre avant tout les équipes les plus régulières, loin de ne s’intéresser qu’au classement FIFA : ainsi, l’Algérie est l’équipe la plus régulière, avec le Cameroun, l’Egypte ou encore le Ghana et la Côte d’Ivoire.
Problème pour l’Afrique : lorsque ses sélections progressent, les autres équipes internationales le font également. Pour expliquer cela, les chercheurs de Harvard s’appuient sur l’« indice de performance » des sélections. Pour l’Afrique, cet indice qui ne dépassait pas 45 en 1979 se situe entre 43 et 57 entre 2010 et 2019. Or, l’indice de performance a également augmenté pour les autres continents, allant jusqu’à 90 pour certaines équipes. L’écart s’est en réalité creusé entre équipes occidentales et africaines.
« L’Afrique fait mieux que la période 1970-1979, mais a encore moins de chances de ravir le trophée aux meilleures nations du monde qu’à cette époque », résume l’agence Ecofin, qui relate l’étude de Harvard.
Une histoire de talent ?
Existe-t-il un écart de talent entre joueurs africains et européens ? Difficile d’acquiescer, de nombreux Africains évoluant d’ailleurs dans les plus grands championnats européens.
Pour montrer que le football n’est pas qu’un histoire de talent, les chercheurs ont observé les performances de l’équipe tunisienne des années 70, qui réunissait de véritables stars du ballon rond comme Mokhtar Dhouib, Néjib Ghommidh ou Tarak Dhiab. Mais face à eux, des Platini, des Tigana ou des Giresse ont été plus performants.
Pourquoi ? Tout simplement grâce à un parcours plus difficile pour les Français que pour les Tunisiens. En résumé, en affrontant les meilleures nations au monde, les Bleus, par exemple, ont progressé année après année, tandis que la Tunisie ne disputait que peu de rencontres contre les équipes de haut de tableau. Résultat : lors des grands rendez-vous, la pression est sur les épaules tunisiennes plutôt que sur celles des Français, qui ont l’habitude de ce genre de matches.
Si une sélection africaine veut un jour remporter la Coupe du monde, elle devra augmenter la qualité de ses adversaires. Cela passe par plus de matches amicaux contre de grandes nations du football.
Mais il faudra du temps. Beaucoup de temps. L’étude balaie ainsi les perspectives des observateurs, qui voient une équipe africaine soulever la Coupe du monde d’ici à 2040. La faute, selon les chercheurs de Harvard, au manque d’ouverture des sélections africaines à l’international.
Enfin, l’étude pointe une autre problème de taille : les infrastructures — on a pu le voir lors de la dernière Coupe d’Afrique des nations — et la formation sont insuffisantes pour donner toutes ses chances au continent. Enfin, les relations souvent houleuses entre les joueurs et leurs fédérations, ainsi que les départs, très jeunes, de joueurs vers l’Europe freinent également la progression africaine.