Ali Bongo, le président gabonais, a promis une adhésion de son pays au Commonwealth en 2022. Une action symbolique ou vraiment bénéfique pour le Gabon ?
Lors de son discours de vœux, Ali Bongo, le président du Gabon, a prévenu que son pays, en 2022, « devrait intégrer la grande famille du Commonwealth, une famille forte de 54 Etats ». Si l’information est encore conjuguée au conditionnel, le chef de l’Etat y voit déjà « un tournant géopolitique majeur pour notre pays qui désire, dans un monde globalisé, s’ouvrir et adhérer à un autre espace multiculturel également porteur pour notre pays ».
Un choix qui a étonné. Car si le Mozambique et le Rwanda ne sont pas d’anciennes colonies britanniques, les membres de l’organisation internationale ont tous en commun d’avoir autrefois été sous la coupe du Royaume-Uni.
Depuis plusieurs années, la France et le Gabon ne sont plus les meilleurs amis du monde. Et en 2020, le pays d’Ali Bongo a donc décidé d’entamer son processus d’adhésion au Commonwealth. Lors de son discours pour la nouvelle année, le président gabonais a tenu à préciser qu’il ne souhaitait pas « abandonner son ‘identité francophone’ ». Mais, si l’adhésion au Commonwealth est confirmée, nul doute que la France et le Gabon s’éloigneront encore un peu plus.
Si le Gabon a réussi à bien avancer sur ce dossier, c’est avant tout grâce à sa politique environnementale. « Le Gabon dispose de nombreux atouts pour intégrer le Commonwealth. Notamment l’engagement sur les changements climatiques et les politiques de développement durable, la stabilité du pays depuis de nombreuses décennies et son engagement dans la stabilité de la sous-région et du continent, ainsi que l’engagement du Gabon sur les droits de l’homme et l’égalité des genres », indiquait, sans aucune ironie, le gouvernement gabonais en mai dernier.
Ali Bongo revenait alors d’une visite officielle à Londres. Il y avait rencontré la secrétaire générale du Commonwealth, la baronne Patricia Scotland, ainsi que le prince Charles. Tout semblait alors bouclé pour que le Gabon soit intégré au Commonwealth un mois plus tard, lors d’un sommet à Kigali, qui a finalement dû être reporté en 2022. Sauf surprise, Ali Bongo devrait donc arriver à ses fins cette année.
Autonomie ango-saxonne vs. condescendance française
Mais quel intérêt a le Gabon à intégrer le Commonwealth ? Tout d’abord, le pays sait, comme tous les pays membres de la Francophonie, que Paris ne brille plus autant qu’auparavant. S’ouvrir au monde anglophone est presque devenu une nécessité dans un contexte où l’influence française est réduite à son strict minimum.
Mais pour autant, une adhésion au Commonwealth n’apporte rien en matière d’échanges économiques ou de réduction des taxes douanières. L’attrait du Commonwealth s’appuie sur un mythe : celui qui, dans les pays francophones, « dit qu’il faut être un pays anglo-saxon pour pouvoir se développer », résume l’analyste politique ivoirien, Sylvain Nguessan, à BBC. Et l’expert d’ajouter qu’« aucune colonie francophone n’a pu se développer jusqu’à présent contrairement aux pays anglo-saxons qui ont pu un tant soit peu prendre leur envol ».
L’exemple du Rwanda, qui accompagne Ali Bongo dans sa démarche, n’est pas étranger à la création de ce mythe. Le pays, après avoir adhéré au Commonwealth, s’est en effet transformé en véritable modèle de miracle économique.
S’il n’apporte pas de bénéfices économiques directs, le Commowealth serait en réalité une façon, pour les pays membres, de se libérer d’un « joug » français. Pour Sylvain Nguessan, « certains se disent qu’il y a une manière de réfléchir à la francophone et une manière de réfléchir à l’anglo-saxonne. Et que quand on est anglo-saxon, on est plus enclin à se prendre en charge, on est plus porté sur l’entreprenariat ». Surtout, assure, toujours à BBC, l’analyste, le Commonwealth permet d’apporter « un minimum d’autonomie », là où la France veut toujours tout contrôler.
« Les Français, conclut le journaliste Bacary Domingo Mané, sont des gens qui avaient un style de domination, à la limite même, ils avaient une sorte de condescendance par rapport aux pays colonisés, tandis que le style anglais évidemment accorde une certaine liberté et une importance aux pays ».
Reste que le Gabon, s’il adhère au Commonwealth, aura fort à faire. D’un côté, il devra ménager les susceptibilités françaises. L’Elysée perd en effet un nouvel allié et reverra forcément à la baisse ses aides et investissements au Gabon. Mais Ali Bongo devra, s’il veut s’émanciper, montrer que son pays est capable d’avancer en tout autonomie.