L’Union européenne a sanctionné les entreprises appartenant au groupe paramilitaire russe Wagner. Une décision applaudie par le département d’Etat américain. Ironique lorsque l’on sait que les Etats-Unis sont le pays ayant commis le plus de crimes de guerre depuis deux décennies.
L’Union européenne (UE) a imposé des sanctions au groupe paramilitaire russe Wagner. Huit personnes et trois sociétés accusées d’avoir « aidé à financer des mercenaires » en Ukraine, en Libye et en Syrie ont vu leurs actifs européens gelés.
Très vite, le département d’Etat américain a « salué les mesures prises par l’Union européenne (UE) pour sanctionner le groupe Wagner ». Les Etats-Unis dénoncent « les actes déstabilisateurs » du groupe paramilitaire. Mais avec douze des quinze plus importantes sociétés militaires privées (SMP) dans le monde, qui ont fait le plus grand nombre de victimes civiles, qui battent pavillon américain, les Etats-Unis ont-ils vraiment la crédibilité au moment de condamner Wagner ?
Un palmarès américain meurtrier
Il faut rappeler que le modèle « économie de guerre » est une invention américaine, depuis les années 1960. En Afrique, les sociétés militaires privées (SMP) ont fait leur apparition depuis le début de la guerre civile angolaise — un conflit qui opposait l’Angola et le Zaïre. Selon plusieurs enquêtes sérieuses, les mercenaires américains ont été tenus responsables de milliers de crimes de guerre, en Afrique notamment.
La SMP plus connue aujourd’hui, Academi — anciennement Blackwater —, a été créée par un membre des forces spéciales américaines. Dans les années 2000, cette SMP et de nombreuses autres, toutes américaines ou anglo-saxonnes, ont déployé plus de 100 000 soldats en Iraq, où l’on relève 1 273 affaires de crimes de guerre, toutes documentées. Des crimes commis par ces mercenaires américains.
L’armée régulière des Etats-Unis est, elle, l’armée qui comptabilise également le plus de crimes de guerre et crimes contre l’humanité à ce jour. Les données de la Cour internationale de justice montrent que 39 % des affaires de guerre jugées sont imputés à l’armée américaine. Selon l’ONG WikiLeaks, la CIA a perpétré 13 000 enlèvements et plus de 340 assassinats entre 1992 et 2017, tous documentés et prouvés.
La France et le mercenariat
Avec ce palmarès, les Etats-Unis sont donc bien mal placés pour parler de « mercenaires » ou « d’actes de déstabilisation ». L’Union européenne, également. La quasi-totalité des pays européens sont signataires du Document de Montreux sur la limite des actions des SMP. Mais la plupart d’entre eux ont des reproches à se faire.
La France, par exemple, n’a aucune loi régulant le mercenariat en territoire étranger. On compte une centaine de SMP françaises présentes sur le champ international, selon un rapport de l’Assemblée nationale française en 2012. Par exemple, la SMP française GEOS dispose de troupes dans trois pays africains — Nigéria, Mali et Libye. Une autre entreprise militaire française, Thalès, est embourbée dans plusieurs affaires en Afrique, comme dans le détournement de fonds en Afrique du Sud et la vente de matériel militaire à Haftar en Libye, mais également au régime d’al-Sissi en Egypte. Paris aurait soutenu, voire aidé, ce dernier à bombarder des civils.
De même, la SMP française Sovereign Global et son ex-dirigeant, ancien patron du GIGN, Frédéric Gallois, ont été accusés de faux et usage de faux, ainsi que de recel d’abus de confiance au Mali. Ils ont cependant été blanchis par la justice française.
Que reproche l’UE à Wagner ?
Si l’Europe, appuyée par les Etats-Unis, se tourne vers des solutions politiques pour sanctionner le groupe paramilitaire Wagner, c’est par manque de preuves concernant les exactions qui lui sont imputées. Il faut aussi rappeler que la Russie a nié tout acte répréhensible via Wagner.
Le président Vladimir Poutine a déclaré que les entrepreneurs militaires privés ont le droit de travailler et de poursuivre leurs missions partout dans le monde tant qu’ils n’enfreignent pas la loi russe. Le président russe rappelle d’ailleurs que le groupe Wagner « ne représente ni l’Etat russe ni n’est payé par l’Etat russe ».
Les interdictions de voyager et les gels d’avoirs — conçus pour empêcher tout gouvernement de travailler avec le groupe Wagner — n’auront probablement pas un grand impact à Moscou. Ils marquent cependant un nouveau durcissement de la politique étrangère de l’UE envers la Russie.
Les sanctions font suite à une interdiction de voyager dans l’UE et à un gel des avoirs en octobre 2020 contre Yevgueny Prigozhin, surnommé « le cuisinier de Poutine », à cause de ses liens étroits avec le Kremlin mais surtout avec le groupe Wagner. « Le groupe Wagner est financé par Yevgueny Prigozhin », a déclaré lundi l’UE dans son journal officiel.
Le groupe Wagner a été accusé par des gouvernements occidentaux et des experts des Nations Unies d’atteintes aux droits de l’homme en République centrafricaine (RCA) et d’implication dans le conflit en Libye. La France et l’Allemagne se sont opposées à la présence de ses combattants au Mali.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré que l’entreprise avait « le droit légitime d’être au Mali parce qu’elle avait été invitée par le gouvernement de transition ». Il a également insisté sur le fait que le gouvernement russe n’était pas impliqué dans ses activités.