Si quelques constructeurs africains lancent des projets de data centers sur le continent, les géants américains et chinois sont déjà omniprésents, sur un terrain pourtant presque vierge.
La bataille de la data et du cloud a bel et bien lieu sur le continent. Faute de data centers, les pays africains sous-traitent le stockage des données en Europe et aux Etats-Unis. Mais les enjeux sont colossaux en Afrique, où plusieurs spécialistes tentent de convaincre les chefs d’Etat africains de l’importance de conserver leur souveraineté numérique. Mais le temps presse : le continent abrite 1,3 % des data centers de la planète. Un espace quasi vierge qui attise les appétits. Ceux de quelques acteurs locaux, qui espèrent bien avoir la priorité. Mais également ceux des géants mondiaux du secteur, qui sentent le potentiel de l’Afrique. Le nouveau terrain de jeu de ces startups et de ces géants : l’Afrique du Sud.
Johannesburg, plaque tournante des data centers
Vantage Data Centers est un groupe américain qui a lancé un projet de campus, comprenant trois data centers, à Johannesbourg. Un investissement de 15 milliards de rands — environ 1 milliard de dollars — pour faire sortir de terre son premier campus africain. « Johannesburg est la plaque tournante des data centers pour l’Afrique subsaharienne en raison de son emplacement stratégique, de son écosystème informatique, de sa connectivité par fibre optique par rapport au reste de l’Afrique et de la disponibilité des énergies renouvelables », résume Antoine Boniface, président de Vantage EMEA.
L’Afrique du Sud a en effet compris l’importance de se doter de tout un écosystème permettant d’accueillir les géants du web. Avec 60 000 mètres carrés d’espace répartis sur trois installations, Vantage disposera du plus grand data center d’Afrique. Celui-ci sortira de terre au troisième trimestre 2022. Mais Vantage a de la concurrence en Afrique du Sud : Amazon, notamment, a décidé de s’implanter un peu plus au Cap et à Johannesburg. Autre acteur du secteur dont l’appétit est de plus en plus aiguisé sur le continent : le Chinois Huawei, qui a débuté la construction de deux data centers en Afrique du Sud depuis 2019. Sans oublier Microsoft.
Au Sénégal, un data center construit par Huawei
L’Afrique du Sud est une exception continentale. Avec un réseau électrique souvent défaillant et une connexion à la fibre pour le moins aléatoire, l’Afrique a une histoire avec les data centers qui n’en est qu’à ses balbutiements. Mais il y a du potentiel. Smart Africa l’a bien compris. Cette alliance d’acteurs de ce secteur issus de 31 pays africains tente de faire comprendre l’importance de créer des data centers en Afrique. Début 2020, le continent ne comptait que 112 data centers, selon un rapport du cabinet Balancing act.
Smart Africa veut augmenter le nombre de centres de données en Afrique, actuellement proche de 1 % du total mondial, à 10 % à l’horizon 2030. L’annonce a été faite à Diamniadio, lors de l’inauguration du premier data center national sénégalais. Si l’Agence informatique de l’Etat sénégalais se félicitait que son pays dispose désormais « du plus grand data center en Afrique de l’Ouest avec 1 000 mètres carrés de salles techniques, 1,4 mégawatts de puissance énergétique et 1 000 téraoctets de disponibilité », il ne faut pas oublier que le data center de Dakar n’est pas à proprement parler africain : le gouvernement sénégalais a en effet choisi, comme prestataire pour la construction de ce data center, le Chinois Huawei.
5 à 10 data centers africains lancés chaque année
« Huawei accompagne les Etats africains dans leur transformation digitale, car l’économie numérique est l’avenir du continent », affirmait il y a peu le vice-président exécutif de Huawei Northern Africa, Philippe Wang. Mais depuis 2018, le géant chinois est régulièrement accusé d’espionnage, notamment au sein de l’Union africaine. Difficile de croire Huawei lorsqu’il dit vouloir avant tout défendre la souveraineté numérique de l’Afrique, surtout lorsque l’on sait que le data center de Dakar a été financé par un prêt chinois et que Huawei fournit les équipements et le support technique.
Dans cet océan de data et alors que le cloud africain attire de plus en plus de puissances étrangères, certaines sociétés africaines tentent de sortir du lot. Africa Data Centres, PAIX Data Centres ou Etix Everywhere sont des acteurs de plus en plus reconnus sur le continent. D’autres, plus nationaux, comme Teraco Data Environments, commencent à émerger. Mais difficile de venir concurrencer les géants américains et chinois du secteur. Pourtant, il y a de la place : en Afrique, chaque année, ce sont entre 5 et 10 projets de data centers qui sont lancés. Le marché serait estimé à plus de 500 millions de dollars annuels et attire déjà les fonds d’investissements.