Alors que l’Afrique assure la majorité des revenus de la famille Bolloré, cette dernière vend son groupe présent sur le continent, Bolloré Africa Logistics.
Bolloré Africa Logistics est à vendre. Selon Le Monde, la banque Morgan Stanley sonde les potentiels acheteurs. Le quotidien français, mi-septembre, évaluait la valorisation de l’entreprise à une somme comprise entre 2 milliards et 3 milliards d’euros. Il faut dire que Bolloré Africa Logistics est présent dans 42 ports, selon le portail du groupe qui affirme « prendre en charge toutes les démarches administratives et douanières en amont et en aval du transport, à l’import comme à l’export » et assurer « l’acheminement des marchandises jusqu’à leur destination finale ». Bolloré est présent dans 47 pays africains et 60 pays hors Afrique.
Mais qu’est-ce qui peut pousser Bolloré à vendre ainsi ses activités logistiques africaines ? L’homme d’affaires Vincent Bolloré souhaiterait prendre du recul. Voilà bien longtemps que le Français a annoncé qu’il prendrait sa retraite le 17 février 2022, deux-cents ans jour pour jour après la création de l’entreprise familiale. Avant de passer la main à ses quatre enfants, Vincent Bolloré souhaite débarrasser le groupe de ses dossiers les plus encombrants. Or, depuis plusieurs années, le businessman est aux prises avec la justice française qui l’accuse de corruption, au Togo notamment. Le groupe est également dans la ligne de mire des autorités nationales dans certains pays africains, par exemple au Burkina Faso ou au Ghana.
L’hégémonie de Bolloré en Afrique mise à mal
Autre explication : si Vincent Bolloré est présent en Afrique depuis 1986, il perd régulièrement des marchés. C’est le cas au Cameroun, où l’homme d’affaires est tombé en disgrâce dès l’année 2019. Ironie du sort, c’est justement dans ce pays que Vincent Bolloré avait fait ses premières armes africaines trente-trois ans plus tôt. La raison évoquée — une « concurrence accrue » — dans l’article du Monde ne serait-elle pas un simple prétexte ? Car en réalité, si le commerce mondial a, certes, connu un léger repli ces dernières années, Vincent Bolloré n’a jamais été réellement impacté par les crises économiques, quelles qu’elles soient.
Ce départ surprise d’Afrique ne serait-il par dû aux soucis judiciaires de l’homme d’affaires ? Un banquier, cité par le quotidien français, explique en effet que « cela devient très compliqué de travailler avec » Bolloré, car « les règles internationales auxquelles nous sommes soumis nous interdisent de contracter avec une entité qui a reconnu sa participation à un pacte de corruption ». Le nouveau propriétaire de Bolloré Africa Logistics pourra donc profiter des différents marchés et des infrastructures africaines, tout en évitant, contrairement au groupe français, de risquer des procédures devant les tribunaux.
La fin d’un pan de la « Françafrique » ?
Reste que, pour la famille Bolloré, de nombreux calculs ont dû être imaginés. D’un côté, elle empochera entre 2 et 3 milliards d’euros. De l’autre, elle perdra les marchés africains qui lui rapportaient selon Les Echos jusqu’à 80 % de ses revenus. En partant à la retraite et en vendant sa branche logistique africaine, Vincent Bolloré montre aussi le peu de confiance qu’il place dans ses enfants. Ceux-ci n’ont pas ses réseaux ni ses relations amicales avec certains chefs d’Etat africains. Et si Vincent Bolloré a rencontré à plusieurs reprises Emmanuel Macron, il ne bénéficie plus du même soutien en France que celui qu’il avait sous Nicolas Sarkozy.
Le départ de Bolloré du continent pourrait également représenter un gros bouleversement. Car la France comptait sur l’industriel pour continuer à avoir la mainmise sur certains dirigeants africains. Or, qui pourra racheter le groupe à un tarif si important ? Selon Le Monde, des sociétés chinoises seraient déjà sur les rangs. Un départ provoquera un changement de paysage dans les ports africains, mais pas seulement : l’homme d’affaires s’occupait également, via des agences de communication, de l’image de plusieurs régimes, notamment en Guinée et au Togo. Vincent Bolloré partira-t-il avec tous ses secrets ? Ou son départ sera-t-il l’occasion, pour la justice de certains pays, de découvrir les accords passés entre le Français et certains présidents ?