En Ethiopie, Premier ministre, artistes et même champions olympiques sont en treillis, sur le front. Tous craignent une chute de la capitale Addis-Abeba. Et alors que les diplomaties occidentales appellent, sans conviction, au cessez-le-feu, l’Afrique, elle, reste muette.
La guerre civile en Ethiopie a pris des proportions telles qu’une résolution pacifique est désormais totalement exclue. Un conflit qui montre, par ailleurs, l’impuissance de la communauté internationale à agir sur le théâtre éthiopien. En cause : la volonté, de part et d’autre, d’en découdre de façon militaire.
D’un côté, le Premier ministre Abiy Ahmed avait mis sous embargo la région du Tigré, avant d’autoriser des bombardements et de déclarer vouloir « exterminer les Tigréens ». De l’autre, le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) qui, depuis le début de sa contre-offensive qui a débuté fin juin, ne veut plus entendre parler d’un cessez-le-feu.
Désormais, les combats sont si intenses que la capitale éthiopienne Addis-Abeba est menacée. Et face au risque, désormais réel, que la capitale tombe aux mains du FLPT, les observateurs accusent. Addis-Abeba abrite en effet le siège de l’Union africaine (UA), une chute de la capitale éthiopienne serait donc un symbole fort. De quoi exaspérer les internautes, qui accusent l’Occident d’ingérence et l’Afrique de lâcheté.
De leur côté, l’Organisation des Nations unies (ONU) et les Etats-Unis appellent à la fin immédiate des combats. Une requête vaine. La situation ne permet plus d’envisager un cessez-le-feu, et c’est à se demander comment l’envoyé spécial américain Jeffrey Feltman a pu affirmer mardi, sans sourciller, qu’« une solution pacifique est en cours de négociation ». De son côté, Antonio Guterres laisse encore penser qu’il est écouté par les belligérants éthiopiens. Or, le secrétaire général de l’ONU a été bien incapable de faire libérer ses propres employés en temps et en heure, preuve du peu d’influence des Nations unies dans la capitale éthiopienne.
Des torts de tous les côtés
Le FLPT et l’Etat éthiopien s’entêtent à s’affronter dans une guerre qui finira, quoi qu’il arrive, mal. Une situation qui contraste avec l’année dernière, lorsque tout le monde évoquait encore le « miracle éthiopien ». Le pays était alors sur la voie de la paix et du développement, son Premier ministre avait même empoché le prix Nobel de la Paix.
S’il est vrai que les anciens maîtres d’Addis-Abeba ne sont pas ceux qui ont lancé la guerre, l’on peut avoir des doutes sur leur volonté d’instaurer la paix dans la région. La prise de Shewa Robit, à 200 kilomètres de la capitale, ne montre en effet en aucun cas une volonté d’apaisement de la part du FLPT.
De son côté, Abiy Ahmed s’est montré particulièrement sanguinaire. Les Tigréens déplacés se comptent par centaines de milliers, et sur le terrain, les exécutions sommaires, les viols collectifs et les bombardements de civils se multiplient, selon des rapports que le pouvoir éthiopien qualifie de « propagande occidentale » contre le pouvoir en place.
Les relations entre l’Ethiopie et la communauté internationale n’arrangent rien : les populations locales déplorent l’hostilité de cette dernière, qui s’entête à traiter l’Ethiopie avec arrogance. Les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) ont multiplié les sanctions contre l’Ethiopie et ses alliés, et l’ancien président nigérian, ainsi que Haut représentant pour la Corne de l’Afrique de l’UA, Olusegun Obasanjo, rêvent encore d’un cessez-le-feu plus qu’utopique.
Et si Addis-Abeba tombait ?
L’Ethiopie compte ses morts et observe l’avancée des combattants. Après la défaite des Amhara, les troupes alliées à Abiy Ahmed, le Premier ministre a vu la région d’Oromia, dont lui-même est descendant, se retourner contre lui. Le chef du gouvernement éthiopien a fini par appeler les civils à s’armer pour « défendre la capitale ». Il se trouve d’ailleurs désormais personnellement sur la ligne de front, si l’on en croit les informations des médias officiels éthiopiens.
Et alors que la capitale est aujourd’hui encerclée et prête à tomber, Abiy Ahmed réussira-t-il à la défendre ? Si tel n’était pas le cas, le symbole serait fort, puisque l’Union africaine pourrait perdre son siège. Pour le moment, tous les alliés d’Abiy Ahmed se montrent réticents à venir à sa rescousse.
Le Premier ministre éthiopien est, certes, diplomatiquement indéfendable et aujourd’hui isolé, mais la possible chute de l’Etat éthiopien embarrasserait le continent tout entier. Il pourrait également faire le jeu des puissances occidentales, dans une région qui, malgré ses problèmes, est l’un des derniers bastions de la souveraineté africaine. Mais jusqu’à quand ?