Dans l’ouvrage « L’empire qui ne veut pas mourir : une histoire de la Françafrique », des auteurs français et africains reviennent sur les relations tumultueuses entre Paris et les capitales africaines. Un livre à ne pas rater.
Il fallait bien près de mille pages, deux ans de travail et une vingtaine de contributeurs pour raconter l’histoire — et l’avenir ? — de la Françafrique. Alors qu’Emmanuel Macron tente, tant bien que mal, de revoir les relations entre la France et l’Afrique, souvent avec maladresse, le livre « L’empire qui ne veut pas mourir : une histoire de la Françafrique », aux éditions du Seuil, est d’utilité publique. « Guerres, pillages, racisme, coups d’Etat, corruption, assassinats… » : le bandeau présentant l’ouvrage promet de belles révélations. C’est en tout cas une belle étude sur le sujet.
Thomas Borrel, Amzat Boukari-Yabara, Benoît Collombat et Thomas Deltombe, les quatre directeurs d’ouvrage, ont réuni des auteurs français et africains pour proposer « une relecture du néocolonialisme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ». Tous reviennent sur la Françafrique, depuis la IVe République jusqu’à Vincent Bolloré, en passant par François Mitterrand.
Au fil des pages, on se rend compte que la belle « histoire d’amour » entre la France et l’Afrique, voulue par Emmanuel Macron, relève de l’utopie. Les auteurs nous décrivent les coulisses, mais aussi les zones d’ombre, des relations entre la France et ses anciennes colonies. Ils décryptent également les conséquences de ces dernières. Si la colonisation est bien évidemment évoquée, six périodes sont particulièrement traitées dans l’ouvrage, de la Seconde Guerre mondiale au mandat d’Emmanuel Macron.
Tout y passe, notamment le rôle de Jacques Foccart, l’un des symboles de la Françafrique, au début des années 1960. A l’époque, de l’Elysée, la France manipulait les pays, du Togo au Cameroun. L’ouvrage décrit avec précision comment Paris a déstabilisé certains Etats, fait assassiner des présidents ou aidé des dictateurs à conserver leur mainmise sur leurs populations. Parfois sans se cacher, parfois dans l’ombre.
Les histoire d’amour finissent mal, en général
Les auteurs montrent également que le terme « Françafrique » n’a pas eu la même signification au fil des décennies. Des origines de la politique franco-africaine et de la mise en place du système à une relation très commerciale, symbolisée par l’implantation de grands groupes hexagonaux sur le continent — Total ou Bolloré —, les directeurs de l’ouvrage résument ainsi l’évolution de la Françafrique, qui « s’est fondue dans la mondialisation sans se dissoudre ».
La quatrième de couverture résume d’ailleurs bien la problématique. « À Paris, on entend de toute part le même refrain : ‘La Françafrique est morte et enterrée !’ Pourtant, de Ouagadougou à Libreville, de Dakar à Yaoundé, de Bamako à Abidjan, la jeunesse se révolte contre ce qu’elle perçoit comme une mainmise française sur son destin ». Ce n’est pas le sommet Afrique-France de Montpellier qui contredira ce constat. Si « la France a officiellement octroyé l’indépendance à ses anciennes colonies africaines », il s’agit d’« une liberté en trompe-l’oeil », résume l’éditeur.
Mais comme dans toute histoire d’amour, aussi nocive soit-elle, pas facile de se détacher l’un de l’autre. La Françafrique est, en réalité, « un système que tous les présidents français ont laissé prospérer, en dépit des promesses de ‘rupture’ ». L’éditeur n’hésite pas à parler de cette Françafrique comme d’« un système érigé contre les intérêts des peuples, avec l’assentiment d’une partie des élites africaines, et qui profite toujours aux autocrates ‘amis de la France’ ».
« L’empire qui ne veut pas mourir : une histoire de la Françafrique » (éditions du Seuil), 25 €.