Devant le siège de la Zlecaf, une statue de l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou est dévoilée aujourd’hui. Pendant ce temps, son successeur Mohamed Bazoum peine à s’ériger en leader.
Devant le siège de la Zone de libre-échange africaine (Zlecaf) à Accra, la capitale ghanéenne, une statue de Mahamadou Issoufou vient tout juste d’être érigée et sera dévoilée ce soir. Il s’agit indubitablement d’une marque de respect pour le chef d’Etat qui fut l’une des locomotives de la Zlecaf, un ensemble de 55 pays africains, dont 37 ont déjà ratifié les accords. Issoufou est ainsi honoré pour avoir favorisé l’intégration économique du continent.
La statue est imposante et risque de faire encore un peu plus de l’ombre à Mohamed Bazoum, le successeur d’Issoufou à la tête du Niger. Après ses vives critiques à l’encontre du régime malien, son soutien à Blaise Compaoré — ennemi public numéro 1 au Burkina Faso —, sans oublier sa médiation pour le moins ratée dans le dossier tchadien, l’image en Afrique de Mohamed Bazoum est écornée, à peine trois mois après sa prise de fonctions. Quand son prédécesseur voit une statue à son effigie être érigée, Bazoum, lui, peine à prendre la mesure de son statut.
L’héritage encombrant d’Issoufou
Le moins que l’on puisse dire est que Mahamadou Issoufou a laissé son empreinte sur tout un continent. Malgré une politique sécuritaire ponctuée de hauts et de bas, sa présidence a été marquée par de nombreux succès, aussi bien au niveau du Niger qu’en Afrique. Et au moment de passer la main, Mahamadou Issoufou a laissé entre les mains de Mohamed Bazoum un parti unifié et un héritage démocratique solide, Issoufou ayant d’ailleurs reçu le prix Mo Ibrahim pour le leadership en mars dernier.
Les deux barrages sur le fleuve Niger durant la décennie d’Issoufou ont assuré l’irrigation pour une agriculture qui pèse pour moitié dans le PIB d’un pays traditionnellement minier. Le développement énergétique et l’accès à l’eau potable ont été les priorités d’Issoufou, qui a tenté pendant son mandat de baisser les importations de produits de première nécessité. Sans oublier, évidemment, une chute remarquable de la pauvreté extrême de plus de 1% par an et l’injection de 25 % des recettes de l’Etat dans le secteur de l’éducation, devenue gratuite au Niger.
Là où l’écart se creuse entre Mahamadou Issoufou et son dauphin, c’est que le Niger, traditionnellement souverain, fait aujourd’hui office de passe-plats pour la France. Les troupes françaises de Barkhane, en retrait du Mali, devraient avoir désormais un pied-à-terre au Niger. On est loin de la diplomatie d’Issoufou, qui a nourri les ambitions de la Zlecaf. Pendant que Nana Akufo-Addo, Félix Tshisekedi, Moussa Faki Mahamat et d’autres responsables africains inaugurent la statue de l’ex-président du Niger, Mohamed Bazoum sent le vent tourner et l’ombre d’Issoufou planer sur Niamey.
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Un héritage bafoué par Mohamed Bazoum ?
Notamment à cause de la percée terroriste dans le pays, personne ne se faisait d’illusions quant au début de mandat de Mohamed Bazoum. Mais le Niger a très vite basculé : l’élection présidentielle et la prise de fonctions de Bazoum ont été ponctuées d’une crise politique, d’un relatif boycott africain et d’une multitude d’attentats. Et le bilan des 100 jours de Bazoum, il y a quatre jours, est passé quasi inaperçu, malgré quelques avancées dans le domaine de la lutte contre la corruption.
C’est surtout au niveau international que Mohamed Bazoum pèche. Outre sa sortie hasardeuse sur le Mali, qui a provoqué un véritable incident diplomatique, le président nigérien a dû renoncer au leadership de son pays au sein de la Zlecaf, reprise par le Ghanéen Nana Akufo-Addo, bien plus expérimenté. Un retrait du Niger qui doit beaucoup à l’attitude de Bazoum vis-à-vis du continent. La nouvelle amitié entre Mohamed Bazoum et Emmanuel Macron a eu pour conséquence une certaine méfiance de la part des voisins du Niger.
Dans son propre pays, Bazoum est critiqué pour sa passivité. Les observateurs louent les intentions du nouveau président, mais s’étonnent du peu d’actions engagées. Outre l’oléoduc qui va du Nigéria vers l’Algérie en passant par le Niger, ou le tronçon de la Transsaharienne qui, bien qu’il soit déjà achevé du côté d’Alger, de Ouagadougou et de Bamako, attend toujours que Niamey s’active, Mohamed Bazoum n’en est encore qu’au stade des promesses. Le chef de l’Etat savait qu’en succédant à Mahamadou Issoufou, il serait attendu au tournant. Mais la marche risque de, finalement, être un peu trop haute.
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