L’ancienne ministre du Bénin, ainsi que conseillère du président du Togo, Reckya Madougou, a été auditionnée pour la première fois depuis son incarcération, ce jeudi 17 juin, par la CRIET.
Premier rendez-vous avec la justice béninoise pour Reckya Madougou. Hier, elle a comparu devant trois magistrats de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET). Selon RFI, l’audition s’est passée à huis clos. Reckya Madougou a été auditionnée durant plusieurs heures de l’après-midi.
La femme d’Etat est accusée d’association de malfaiteurs et terrorisme par le procureur de la CRIET. Après que sa candidature pour l’élection présidentielle de 2021 ait été rejetée, comme celle de 16 autres candidats, elle a été arrêtée le 3 mars. L’élection remportée par le président sortant Patrice Talon n’a pas représenté une occasion de gracier les prisonniers politiques comme Madougou. Bien au contraire, le président talon a annoncé la continuation de la chasse à l’opposant qui a marqué la dernière élection.
En effet, le président a déclaré aux médias français : « Ils débarquent avec des valises d’argent, sponsorisés des chefs d’Etats des pays voisins. Ils recrutent des gens pour brûler le pays et commettre des assassinats aveugles. S’ils (les opposants) ont été interpellés, c’est qu’il y a des preuves ».
Reckya Madougou, une prisonnière politique parmi d’autres ?
La déclaration de Patrice Talon a mis le feu aux poudres. Elle est intervenue quelques jours après la confirmation de sa victoire à l’élection. Après laquelle il a continué à emprisonner des opposants pour les mêmes charges. En effet, Joël Aïvo, un autre candidat recalé pour l’élection, a été arrêté dans un scénario semblable.
Quant à Reckya Madougou, elle était la candidate du plus grand parti d’opposition au Bénin, Les Démocrates. Elle était aussi deux fois ministre au Bénin. En 2016, elle était devenue conseillère spéciale auprès du président togolais Faure Gnassingbé.
Ainsi donc, l’emprisonnement de Reckya Madougou a été interprété comme un incident diplomatique au début. En effet, les deux pays voisins partageaient une relation assez froide depuis des années. Toutefois, avec l’avènement de la victoire de Talon, Faure Gnassingbé a été parmi les premiers et les rares chefs d’Etats à lui adresser ses félicitations.
Ensuite, dans sa première interview depuis sa réélection, Patrice Talon a marqué cette amitié retrouvée avec son homologue togolais. Il a déclaré : « Quand des autorités étrangères appuient un candidat et le financent, cela ne les implique pas forcément dans les crimes du candidat ».
Vers une autocratie de Patrice Talon
Depuis, les opposants emprisonnés, comme Madougou, ont disparu dans les geôles de Talon. Jusqu’à hier. Selon les quatre avocats de Reckya Madougou, l’accusation à l’encontre de leur cliente serait une machination politique. Ils ont qualifié le dossier de « dossier vide et politique ». Cependant, les avocats ont refusé de commenter l’audition d’hier.
Force est de constater que l’arrestation massive des opposants, dont trois militants du parti de Madougou, a été faite sur une base légale injustifiée. La procédure d’arrestation a été violente, de même que celle de Joël Aïvo. Selon le procureur, il y aurait « un plan de sabotage de l’élection présidentielle avec assassinats planifiés de personnalités politiques ». Néanmoins, le Bénin n’a connu aucune tentative d’assassinat. Les seuls politiciens mis aux fers sont des opposants. Et ceux qui n’ont pas été arrêtés sont en exil. Ainsi que des juges, des intellectuels, et tous ceux qui se sont prononcés contre Patrice Talon.
Le magnat du coton, son gouvernement et la justice n’ont toujours pas apporté de preuves à ce qu’ils avancent. Les charges d’association de malfaiteur et de terrorisme sont des accusations graves. Aucun appareil judiciaire n’arrêterait des gens préventivement sans preuves.
Si on en croit les institutions internationales, les ONG et les Béninois eux-mêmes, le Bénin est sous le joug de graves violations aux droits de l’homme. En l’occurrence, les morts civils lors des manifestations de 2019 en marge des élections législatives. Les centaines d’activistes, opposants et journalistes qui croupissent encore dans les prisons béninoises. En plus de l’arrestation systématique des opposants, devenue récemment à la mode.