Depuis que Twitter a attaqué une publication du président du Nigéria, l’Etat nigérian a décidé de suspendre l’accès à la plateforme. La réaction des diplomates occidentaux ne s’est pas faite attendre.
Twitter est sous pression depuis la perte de plus de 40 millions d’utilisateurs nigérians (dont 17 millions actifs). En raison de la suppression d’une publication du président Muhammadu Buhari, le Nigéria a bloqué les adresses IP de Twitter. Les IP de plusieurs VPN gratuits commencent aussi à être bloqués pour empêcher que la décision du gouvernement ne soit contournée.
Lundi, le régulateur nigérian NBC a demandé aux entreprises audiovisuelles de « supprimer leurs comptes Twitter. Et de cesser de l’utiliser pour la recherche d’information ». Selon le communiqué de la NBC : « Il serait considéré antipatriotique pour quelconque média de continuer à soutenir Twitter », lit-on.
Un boycott total, donc. Dont les coûts pour les firmes occidentales s’élèveraient à 6 millions de dollars, par jour ! Selon un outil de Netblocks qui mesure l’impact des interruptions partielles des services internet, le commerce de plusieurs enseignes européennes et américaines aurait senti les répercussions.
Entre Twitter et le Nigéria, c’est aussi une histoire de gros sous
Le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne n’ont pas tardé à réagir. Dans une déclaration conjointe, les missions diplomatiques ont exprimé leur « déception ». Elles considèrent que « le chemin vers un Nigéria plus sûr passe par plus de communication ». Une réunion s’est tenue donc, hier, entre le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama, et les représentants de ces missions diplomatiques.
Le ministre a déclaré : « Nous voulons que les réseaux sociaux soient utilisés pour le bien ». Onyeama a rajouté, après les pourparlers : « Nous verrons les progrès qui sont faits ». De plus, Le Nigéria aurait déjà proposé des conditions pour le rétablissement de Twitter.
Ce qui est curieux, c’est pourquoi les missions diplomatiques des puissances occidentales négocieraient au nom de Twitter. Traditionnellement, les firmes géantes se reposent sur des lobbyistes pour mener de telles discussions à huis-clos. Or, cette fois, des intérêts économiques des Etats susmentionnés sont mis en péril.
En effet, selon Tech Cabal, une coupure d’Internet au Nigéria pourrait coûter 940 millions de dollars par semaine. Soit plus que le budget pour l’énergie et l’agriculture réunis. Ces fonds perçus en majorité par des startups occidentales représentent un manque à gagner uniquement pour les acteurs privés.
En réalité, c’était le directeur de Twitter, Jack Dorsey, qui avait lancé la première pierre. Sa décision d’ouvrir sa base africaine au Ghana après l’avoir promise au Nigéria a causé des frictions. Si l’on rajoute à cela son soutien des publications plus zélées du mouvement #EndSars. Ainsi que la récente suppression de la publication du chef d’Etat. On ne peut s’étonner de cette réaction de l’Etat nigérian. Surtout si l’on considère que les enjeux sécuritaires au Nigéria sont trop importants pour que l’Etat assume de voir son autorité sapée par Jack Dorsey.
Une mouvance vers une relation plus juste entre Twitter et les Etats
Toutefois, la pression de l’Inde pèse aussi dans le dialogue. Fin mai, le Premier ministre indien a demandé à Twitter et d’autres plateformes de raffermir la modération des publications diffamatoires. Modi a exigé que Twitter se plie aux nouvelles lois indiennes sur les publications en ligne. Aux Etats-Unis, l’ancien président Donald Trump a salué la « décision courageuse du Nigéria ». Il a aussi déclaré : « j’aurais dû prendre une telle mesure lorsque j’étais président. Les réseaux sociaux profitent de leur pouvoir pour imposer leurs propres règles ».
Cependant, dans le cas du Nigéria, les enjeux sont réels. L’organisation sécessionniste IPOB, qui faisait l’objet du tweet de Muhammadu Buhari, est accusée du meurtre de 1300 agents de l’Etat. Récemment, elle aurait organisé une fuite de plus de 1800 prisonniers dans le Biafra, au Sud-Est nigérian. L’interprétation de la déclaration de Buhari comme une menace serait donc un aveu de Twitter que l’organisation est en effet violente. Le président nigérian a déclaré : « Nous leur parlerons dans le langage qu’ils comprendront ». Supprimer cette publication, ainsi que menacer de suspendre le compte du chef d’Etat est disproportionné.
Ce n’est pas si curieux que ça que les autorités nigérianes accusent Twitter d’avoir une « mission suspecte » contre le gouvernement. Néanmoins, le revers de la médaille semblerait trop couteux pour le réseau social. Aujourd’hui seulement, la valeur des actions de Twitter dans la bourse américaine a chuté de 1,38%, contre 0,15% lundi.
Les pressions internationales vont dans les deux sens, donc. La baisse radicale des dépenses de lobbying de Twitter a affaibli sa marge d’action. La nuance qui réside dans la communication autour de l’incident avec le Nigéria prouve bien que les réseaux sociaux ne sont pas intouchables. Est-ce que d’autres pays prendront acte de cette mouvance ?
Did this Nigeria ban affected Twitter stock in NY Exchange? Jack will move only if his stock crashes. Until then he or the board does not care. GoI should ensure it pays income tax, GST, wealth tax, etc. Also amend law to ensure users, customers and suppliers can claim comp.
— Naastik Brahmachari (@Valsyana) June 6, 2021