De putschiste à président, l’ascension d’Assimi Goïta a été fulgurante. Qui est cet homme, si mystérieux, qui a réussi à rassembler tous les puissants du Mali et à être acclamé par le peuple malien, sans se plier aux exigences occidentales ?
Assimi Goïta était peu connu avant le coup d’Etat qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) en 2020. Un commandant militaire comme les autres, jeune et talentueux, mais loin encore du pouvoir. Depuis que Goïta a remplacé Bah N’Daw le 24 mai, la France et les institutions internationales ont crié au scandale. Un putschiste, certes, mais Goïta n’a pas vraiment de sang sur les mains, son peuple le plébiscite et il a réussi à rassembler les élites du pays dans le sens de la transition civile.
Assimi, le nouveau président du Mali
Aujourd’hui, le président malien a réussi à rassembler l’armée, le M5-RFP, la CMAS, la CMA et le peuple autour de lui. Au niveau international, même la CEDEAO ne pouvait se permettre de le sanctionner. Il jouit d’une popularité extraordinaire.
Pourtant, avant qu’il ne se présente aux Maliens, en tant que chef du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), Assimi Goïta a progressé exclusivement dans l’armée. Homme de terrain, il avait étudié au Prytanée de Kati, la plus prestigieuse école militaire malienne. Il a suivi des formations à l’étranger, en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. Ensuite, il a fait ses premiers déploiements entre 2002 et 2017. Entre le Kidal, Tombouctou, Tessalit et le dangereux Sud malien, son baptême du feu a été plus que réussi.
Le président malien était aussi très investi dans la lutte antiterroriste. Il avait suivi une formation au Centre Marshall, ce qui a probablement permis ce changement de vocation, lui qui passa de simple guerrier à une fonction plus politique. Au début, cela s’est illustré par une fulgurante ascension au sein des forces spéciales maliennes. Ensuite, il a fréquenté l’état-major et les politiciens. Aujourd’hui, il est le président du pays.
Selon le directeur du Centre de recherche d’analyses politiques, économiques et sociales du Mali, c’est une progression logique. « Il est évident que Assimi Goïta reste au centre de ce qui est en train de se passer. Il est aujourd’hui garant de la cohésion au sein de l’armée », estime-t-il.
Selon les mots d’Etienne Fakaba Sissoko, de gros enjeux géopolitiques se jouent au Mali aujourd’hui. Et au centre de tous les débats, un jeune militaire se tient contre une bonne partie de l’opinion internationale. Mais qui est donc Assimi Goïta ?
Une ascension fulgurante
Né en 1983 et fils d’un officier de l’armée malienne, Assimi Goïta était un enfant chétif. Pourtant, son entraînement militaire a été fructueux. Il obtint son diplôme à l’âge de 21 ans. Il étudia dans le cadre d’une formation militaire initiatique avant de se spécialiser en armes blindées. Assimi Goïta était connu pour son leadership et sa rigueur.
Ses débuts sur le terrain datent de son intégration au 134e puis au 123e escadrons de reconnaissance. Il a été promu chef d’escadron en 2006, a obtenu son diplôme de Capitaine en 2008 et rejoint les forces spéciales. A la tête d’une unité tactique, il a été sur le terrain pendant deux ans au Nord malien. Il y a traqué les réseaux terroristes le long de la frontière algérienne.
En 2015, il a été nommé officier d’état-major. Un an plus tard, Assimi Goïta est devenu chef de division des opérations de l’Armée de terre. Entre 2016 et 2018, il commandait de facto les forces spéciales maliennes. Il a aussi parfait sa formation tactique. L’Etat lui a octroyé quatre décorations que peu d’officiers obtiennent, en raison de son efficacité sur le terrain.
Toutefois, malgré son indéniable génie militaire, il n’y a que peu de facteurs qui expliquent l’avènement de son entrée en politique. Le premier est la conviction personnelle. Assimi Goïta a beaucoup collaboré avec l’Occident lors de sa formation. Il juge l’intervention militaire dans son pays inadéquate, et il l’a fait savoir maintes fois.
Ensuite, son amitié avec Malick Diaw, Ismael Wagué et Sadio Camara a renforcé ces convictions. Son contact avec l’Azawad et le temps à Tombouctou lui ont fait réaliser les divisions dont souffre le Mali. Puis, le timing de ses décisions a fini de promouvoir son personnage, discret et patriote. Mais comment un homme si peu politisé est-il devenu une figure de concorde ?
Assimi Goïta rencontre le Mali
C’était en juillet 2020, alors que les manifestations parcouraient les rues des grandes villes maliennes, que Goïta a exprimé son désaccord avec la politique d’IBK. Le mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) a remarqué le soutien de l’armée dès le début des manifestations. Ainsi, lorsque le CNSP a pris le pouvoir en août, il n’y a eu qu’une résistance timide de la part du M5.
C’est à ce moment qu’Assimi Goïta est passé au premier plan : « Je suis le colonel Assimi Goïta, président du CNSP », a-t-il déclaré à la télévision nationale. Personne n’était réellement prêt à la chute d’IBK. Ce qui explique la scène politique mouvementée depuis septembre 2020.
En effet, Goïta s’était montré comme un homme de consensus. Il a répondu à l’appel des instances internationales et s’est contenté de quatre portefeuilles ministériels dans le premier gouvernement de Moctar Ouane. Il a aussi beaucoup collaboré avec le président Bah N’Daw. Finalement, N’Daw et son Premier ministre ont décidé de l’éjecter en attribuant les instances de sécurité à deux militaires. Tous les deux ayant de meilleures relations avec l’Occident que ceux qu’il avait choisis.
Ainsi, l’alliance N’Daw-Goïta a été dissoute. Moctar Ouane et Bah N’Daw ont été « déchargés de leurs prérogatives » selon Goïta. Un tollé international s’est est suivi. Puis, les acteurs nationaux ont exprimé leurs doutes face à ce nouveau coup d’Etat. C’est alors que Goïta a commencé à opérer cercle par cercle.
D’abord, il a réuni le cercle intérieur, sans s’arrêter aux ex-CNSP. Entre Koné, Camara et ses autres alliés de la junte, il a opéré un remaniement au sein de l’armée afin que l’état-major soit moins politisé. Ainsi, Assimi Goïta avait préparé ses prochains ministres.
L’exercice d’équilibriste de Goïta
Ensuite, les pourparlers ont débuté en coulisse, avec le M5-RFP, Choguel Maïga ayant été approché pour la primature. L’opposition politique y a laissé des plumes. Mais en dépit de quelques contestations, la plupart des partis politiques ont adhéré au consensus. Choguel Maïga représente l’aile rigoriste de la gauche malienne. Il est aussi très proche de la Russie. Ce qui constitue une triple victoire pour Goïta.
En effet, il a réussi à calmer les instances internationales en mettant un civil à la primature. Le Mali se dirige aussi vers de nouvelles alliances avec la Russie, pour le plus grand bonheur des populations, qui étaient exaspérées par l’entrisme français essoufflant, inefficace et même meurtrier. Surtout, Assimi Goïta s’est assuré le calme dans les rues, afin de débuter la nouvelle transition paisiblement.
Vint ensuite le tour de la sphère sociale. Goïta et son Premier ministre ont rencontré, tour à tour, l’imam Mahmoud Dicko. Le chef religieux est en mesure d’assurer un cessez-le-feu avec les groupes armés d’obédience islamiste. De plus, sa bénédiction est sine qua non pour la continuité du plébiscite populaire de Goïta.
Enfin, les groupes insurrectionnels du Nord et de l’Est, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui ont vu leur chef assassiné à Bamako il y’a moins d’un mois, ont aussi haussé le ton. Le lendemain-même, Goïta et Maïga en ont invité une délégation, après laquelle tout le monde est parti content.
C’est donc un équilibre inédit qu’Assimi Goïta a installé au Mali. Jamais dans l’histoire du pays un consensus politique aussi large n’avait été atteint. Tant et si bien que l’unité malienne a fait fléchir les médias français et les instances internationales. Pourtant, Goïta est encore en treillis, il s’est juste montré plus diplomate que les civils. Cependant, cette tendance doit encore survivre à l’épreuve du temps.