En Tunisie, le leader du parti islamiste Ennahdha et ancien président de l’Assemblée nationale, Rached Ghannouchi, a été arrêté hier soir. Que lui reproche-t-on ?
La date est symbolique. Quasiment un an jour pour jour après la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple dont il était le président et alors que, le 30 mars 2022, une réunion de députés « putschistes » avait conduit à l’ouverture d’une procédure pour atteinte à la sûreté de l’État, Rached Ghannouchi a été arrêté. Le leader du parti islamiste Ennahdha est, depuis avril 2022, régulièrement convoqué par la justice. Cette fois, difficile d’imaginer Ghannouchi s’en sortir.
Ce lundi soir, alors qu’il était en pleine rupture du jeûne pendant le ramadan, Rached Ghannouchi a vu les forces de l’ordre débarquer à son domicile. La maison du leader d’Ennahdha aurait été fouillée et Ghannouchi aurait été conduit dans les locaux de la brigade antiterroriste de la Garde nationale. Le parti islamiste assure qu’aucun chef d’arrestation ne lui a été présenté et parle d’« enlèvement ».
Multiples chefs d’accusation
Ennahdha a appelé à la « libération immédiate » de son leader, dans un communiqué. En septembre dernier, la formation déplorait une audition de Ghannouchi dans « des conditions inhumaines ». L’ex-président de l’ARP avait finalement pu ressortir mais pestait contre le président de la République, Kaïs Saïed, et son entourage : « Ils n’ont pas été en mesure d’affronter un opposant politique majeur en liberté par le biais des urnes, affirmait-il. Ils ont donc essayé d’accuser Ennahda de terrorisme ».
Car c’est bien de cela dont il s’agit. Depuis plusieurs mois, Ghannouchi doit régulièrement répondre d’accusations de terrorisme, de blanchiment d’argent, d’envoi de djihadistes en Syrie, en Libye et en Irak, ou encore d’atteinte à la sûreté de l’État. Il a également été entendu par la justice après avoir qualifié les policiers de « tyrans ». Selon plusieurs sources proches du ministère de l’Intérieur, ce sont ses déclarations, le week-end dernier, à propos d’une potentielle « guerre civile » en Tunisie en cas d’acharnement contre Ennahdha, qui aurait provoqué la descente de police, en pleine Nuit du destin.
Reste que, alors qu’il est âgé de 81 ans, l’arrestation de Rached Ghannouchi est l’épilogue d’une longue bataille politique entre ce dernier et Kaïs Saïed. Le leader d’Ennahdha rejoint la vingtaine de personnalités arrêtées ces dernières semaines. Ahmed Néjib Chebbi, le président du Front de salut national, a rappelé que Ghannouchi avait « toujours montré son attachement à l’action politique pacifique » et évoqué « une nouvelle phase dans la crise ». « Cela relève de la vengeance aveugle contre les opposants », affirme-t-il.