Pendant la soirée du samedi, le président Kaïs Saïed est réapparu. Il a pris un repas en compagnie des soldats d’une zone militaire frontalière dans l’Ouest tunisien. Entre temps, le Chef du gouvernement Hichem Mechichi aurait annulé son voyage pour les Etats-Unis.
Hier soir, le président tunisien Saïed a fait son comeback après une absence suspecte. En effet, après presque deux semaines de disparition, Saïed a posté hier des dizaines de photos de lui sur les réseaux sociaux. Sur les images, on constate sa visite de la zone militaire Jebel Salloum dans l’Ouest tunisien. Il y a rompu le jeûne en compagnie des soldats présents sur les lieux, affectés au contrôle des frontières algériennes. Cette zone a d’ailleurs connu plusieurs attentats terroristes récents.
Vraisemblablement, le sulfureux président tunisien confirme son message des dernières semaines. Il a moult fois déclaré qu’il était « le chef des forces armées civiles et militaires », dans une tentative d’intimidation. Effectivement, Saïed a profité de la fête des martyrs du 9 avril, de sa visite en Egypte et ensuite de l’anniversaire des forces de sécurité intérieures pour lancer une nouvelle polémique. Le président tunisien vise les deux autres têtes du cerbère politique tunisien, Rached Ghannouchi et Hichem Mechichi.
Le président qui n’en rate pas une
A première vue, le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Ghannouchi, n’a pas réagi aux allusions dangereuses du président. Toutefois, le chef du gouvernement Hichem Mechichi, lui, a d’autres chats à fouetter. Parmi les soucis qui s’imposent à Mechichi, l’essor de la dette souveraine de la Tunisie. Et sur ce plan, Kaïs Saïed pourrait s’avérer insidieux aux plans du gouvernement.
De leur côté, les bailleurs de fonds de la Tunisie, la BERD, les pays du Golfe arabe et le FMI, ont exprimé leur mécontentement de l’absence de réformes fiscales. Or, la Tunisie compte presque 1 million de fonctionnaires publics, l’Etat ne peut pas se permettre un retard sur le paiement des salaires. Ce qui implique un suivisme incontournable des instances financières.
Donc les chefs du pouvoir exécutif tunisien, à savoir Saïed et Mechichi, ont fait la course pour obtenir une solution financière. Néanmoins, les idées des deux hommes divergent. De son côté, Saïed s’est attaqué à l’ARP, accusant plusieurs députés, dont il a tu les noms, de corruption et de mauvaise gouvernance. En revanche, Mechichi a planifié un voyage du 3 au 9 mai aux Etats-Unis, afin d’assurer le rééchelonnement de la dette souveraine tunisienne.
Un garde-fou pour Kaïs Saïed
Néanmoins, Kaïs Saïed a passé le mois d’avril à menacer, une énième fois, de révéler les noms des présumés corrompus dans la classe politique tunisienne. Hichem Mechichi aurait donc, selon des sources du Journal de l’Afrique, annulé son déplacement aux Etats-Unis. Dans le but d’éviter un scandale que causerait Saïed en son absence, il compterait rester à Tunis pour amortir les futures controverses. En sa qualité d’ancien conseiller du président, il ferait un parfait garde-fou. Donc, ce sera le chef de cabinet de Mechichi, Moez Mokaddem, qui se présentera devant les dirigeants du FMI. Mais en l’absence de réformes concrètes, ce changement de plans fera des mécontents à Washington.
Par conséquent, les dénonciations aux abonnés absents de Kaïs Saïed aggravent encore la situation socio-économique tunisienne. En attendant, les populations confrontées à une précarité croissante regardent dubitativement en direction de la classe politique. Cependant cette dernière ne fait que multiplier les erreurs et alimenter la rage d’une classe moyenne qui voit son pouvoir d’achat dégringoler.