L’histoire de l’Afrique est encore peu écrite sur Wikipédia. La Fondation Moleskine tente de former des contributeurs africains, pour que ces derniers écrivent leur propre histoire.
Comme dans les médias, l’histoire africaine s’écrit sur internet. Mais il y a encore énormément à faire. Notamment sur l’une des plateformes les plus populaires du web : Wikipédia. Et le constat de l’Italien Adama Sanneh, originaire du Sénégal et de Gambie de par son père, est amer : alors qu’il voulait connaître l’histoire de son continent, il dit avoir eu le « sentiment étrange » d’être « du mauvais côté de l’histoire ». En travaillant en Ouganda, Adama Sanneh s’est en effet rendu compte que les informations sur les langues africaines et les cultures continentales étaient rares sur Wikipédia, résume le site Reasons to Be Cheerful.
En fondant la Fondation Moleskine, Adama Sanneh a voulu transformer les Africains, les faire passer du statut de « consommateurs passifs de connaissances en producteurs actifs de connaissances ». Autrement dit, il a fait en sorte de faire écrire l’histoire de l’Afrique par les jeunes Africains. En atteste la création de l’événement AfroCuration, en décembre 2019. En les familiarisant avec Wikipédia, Adama Sanneh a espéré faire changer les choses.
Car Wikipédia, en Afrique, est encore largement sous-estimé, malgré les milliards de pages lues chaque mois sur l’encyclopédie. « Il y a plus d’informations sur la ville de Paris que sur tout le continent africain sur Wikipédia », déplore Adama Sanneh qui a donc lancé l’initiative WikiAfrica Education. Son objectif : créer une nouvelle génération de contributeurs Wikipédia, qui serait basée en Afrique. Financée par sa Fondation Moleskine, l’initiative a pour but de faire écrire l’histoire africaine par ceux qui la connaissent le mieux : les Africains.
Moins de contrôles concernant les dialectes africains
Les contenus Wikipédia sont notamment rédigés par cette nouvelle génération de contributeurs en anglais et en dialectes locaux. Âgés de 15 à 18 ans, les jeunes rédacteurs se sont notamment intéressés à l’histoire sud-africaine, en créant des pages jusque là inexistantes, comme celle de Winnie Mandela ou de Steve Biko. La deuxième édition d’AfroCuration a permis d’« écrire les femmes noires dans l’histoire » : Phumzile Mlambo-Ngcuka ou encore la légende du jazz sud-africain Letta Mbulu ont été mises à l’honneur.
Ces derniers mois, il a forcément été question de la Covid-19. Les rédacteurs bénévoles ont traduit en de nombreux dialectes les articles consacrés à la pandémie. 390 volontaires de toute l’Afrique ont produit environ 145 nouveaux articles sur le virus, dans 16 langues africaines. Les pages créées ont été lues plus d’un million de fois. Sur un continent où la culture orale est prépondérante, élargir les connaissances à la rédaction de Wikipédia est une nécessité.
Mais Wikipédia n’est pas si simple d’accès qu’il n’y paraît : le contrôle est strict et passer par les langues africaines permet de contourner cela. L’encyclopédie devra d’ailleurs se pencher sur cette question, au risque que l’esprit du site soit détourné à des fins de propagande.