Depuis plusieurs jours, les Rapid Support Forces (RSF) et l’armée régulière s’affrontent dans de violents combats. À la tête des RSF, le numéro 2 du Conseil de souveraineté de transition, le général Hemeti.
Au Soudan, les morts civils se comptent désormais par centaines. Les affrontements entre les Rapid Support Forces (RSF) et l’armée régulière ont déjà tué de nombreuses personnes, à Khartoum. À l’origine de l’offensive des RSF, un différend de taille concernant un accord qui devait être signé, mais qui ne l’a jamais été. Le fondateur des RSF, actuellement vice-président du Conseil de souveraineté de transition de la République du Soudan, Mohamed Hamdan Dogolo, alias Hemeti, souhaitait que les RSF intègrent l’armée régulière définitivement. Ses adversaires avaient, au mieux, accepté une intégration sur une durée déterminée.
Mais que sont, en réalité, les RSF dont on dit qu’elles étaient positionnées en République centrafricaine avant de prendre position à Khartoum ? Ces forces « sont dirigées par des Arabes du Darfour connus sous le nom de Janjawid. Ce terme désigne les groupes armés d’Arabes du Darfour et du Kordofan, dans l’ouest du Soudan. Originaires de l’extrême ouest de la périphérie du pays, ils sont devenus, en l’espace d’une décennie, la puissance dominante à Khartoum », écrit le chercheur Alex De Waal, spécialiste du Soudan, pour The Conversation.
Rien ne prédestinait Hemeti à devenir un homme clé de la transition soudanaise. Notamment parce que ce dernier « vient de la périphérie la plus éloignée du Soudan, c’est un étranger à l’establishment politique de Khartoum. Son grand-père, Dagolo, était le chef d’un sous-clan qui parcourait les pâturages du Tchad et du Darfour. Les jeunes hommes de ce groupe de bergers de chameaux, sans terre et marginalisés, sont devenus un élément central de la milice arabe qui a mené la contre-insurrection de Khartoum au Darfour à partir de 2003 », résume Alex De Waal.
La « tempête » Hemeti
Mais ce qui est marquant, c’est qu’une unité créée en 2013 seulement soit devenue si puissante, au point de faire vaciller l’armée régulière du Soudan, pourtant réputée pour sa force. C’est hors du Soudan que les RSF se sont aguerries aux combats. Les RSF sont intervenues au Yémen et en Libye. Au Soudan, ces forces spéciales ont mis la main sur plusieurs mines d’or, ce qui fait de Hemeti un des hommes les plus riches du Soudan.
Et elles sont aujourd’hui considérées comme une unité qui n’a que peu de scrupules. Au Darfour, les RSF sont accusées de « tueries », de « viols en masse » et de « torture de civils », entre autres exactions. Depuis, rien n’a semblé pouvoir pacifier ce groupe : les RSF sont également accusées, depuis 2019, de crimes et notamment du massacre de plus de 120 manifestants en juin 2019 à Khartoum.
Seul l’avenir dira si les RSF sont plus puissantes que l’armée régulière. Mais force est de constater qu’elles sont aujourd’hui capables de mettre à mal l’équilibre précaire du Soudan. Depuis des années, l’existence d’une force aussi puissante, en dehors de l’armée, a toujours été considérée comme une source d’instabilité.
En réalité, tout allait pour le mieux lorsque les RSF étaient cantonnées au Darfour. « Lorsque le régime soudanais a semé le vent des Janjawids au Darfour en 2003, il ne s’attendait pas à récolter la tempête dans sa propre capitale », conclut le chercheur Alex De Waal qui estime que les RSF et Hemeti sont aujourd’hui l’équivalent d’une « tempête ». L’ascension de l’autoproclamé général «est aussi, indirectement, la revanche des marginaux historiques. La tragédie des marginaux soudanais est que l’homme qui se présente comme leur champion est le chef impitoyable d’une bande nomade, qui a parfaitement su tirer parti des conflits militaires déchirant le pays ».