Le 28e Sommet Afrique-France se tiendra le 8 octobre à Montpellier, dans le sud de la France. Pendant ce temps, plusieurs organisations panafricaines préparent un contre-sommet et dénoncent le néocolonialisme français.
Emmanuel Macron prépare « son » Sommet Afrique-France du 8 octobre, qui aura lieu à Montpellier, en France. L’ambassadeur de France au Burkina Faso, Luc Hallade, a établi la liste des invités en coordination avec le Quai d’Orsay. Afin d’éviter au président Macron d’être embarrassé par d’éventuelles questions qui dérangent, une quarantaine de « jeunes Burkinabés » ont été préparés en vue d’une séance de questions-réponses avec le chef de l’Etat français.
On est loin de la spontanéité qui devait caractériser ce sommet, censé être, selon les mots de Paris, « sans ambiguïté ou tabous ». Lors de ce rendez-vous, la jeunesse africaine et le représentant de l’ancienne puissance coloniale commenceront « par tout se dire » afin « d’inventer ensemble une amitié ». C’est en tout cas la promesse de la France.
S’il est certain qu’on ne verra pas des activistes comme Nathalie Yamb ou Kémi Séba invités au Sommet de Macron, Luc Hallade parle, de son côté, de 4 500 jeunes Africains et de 3 000 entrepreneurs et intellectuels invités. Ces derniers seront répartis dans différents panels, et plusieurs associations françaises seront présentes, à l’instar d’Alliance Sahel et Digital Africa.
Les organisations panafricaines s’organisent
Face à ce qui s’annonce être une opération séduction pour Emmanuel Macron, qui se prépare à battre campagne en France, plus d’une centaine d’organisations, de partis et de syndicats panafricains préparent un sommet parallèle. A quelques kilomètres de Montpellier, à Grabels, se tiendra un colloque pour « l’annulation du Sommet France-Afrique » le 2 octobre. Suivi, du 7 au 9 octobre, d’un contre-sommet.
Les organisateurs et premiers signataires du contre-sommet estiment que, « malgré les effets d’annonce du président Emmanuel Macron, l’esprit néocolonial est toujours présent ». « Sur le continent africain, la France exerce toujours une domination monétaire, économique, diplomatique et culturelle, poursuit des interventions militaires, et soutient des régimes qui bafouent les droits humains et empêchent l’émancipation des peuples », insiste le collectif Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM).
Parmi les invités du contre-sommet, on compte notamment Mireille Fanon, la fille de l’essayiste panafricain Frantz Fanon. Surprise : le président de Bouygues Immobilier, Bernard Mounier, tiendra une conférence appelée : « Les dérives de l’aide française au développement, entre business et corruption ». La liste des militants panafricains est longue, et les sujets discutés varieront de la présence militaire française au Sahel à la tutelle monétaire française.
Emmanuel Macron est-il crédible ?
Le contre-sommet Afrique-France sera donc certainement plus crédible que le Sommet de Montpellier. Outre l’ironie du fait que ce dernier se tient alors que la relation entre la France et les pays africains est au plus bas, l’organisation de 66 débats préparatoires réunissant 5 000 personnes, par les diplomates français dans 12 pays africains, enlève tout son sens à la « spontanéité » voulue par Emmanuel Macron. Seul vrai débat prévu : le président français affrontera l’essayiste camerounais Achille Mbembe, dans l’après-midi du 8 octobre.
S’il est bien préparé, le sommet de Montpellier ne sera pas l’occasion pour Emmanuel Macron de mesurer sa réelle cote de popularité vis-à-vis de l’Afrique. Le professeur Carlos Lopes, ancien responsable de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies, considère que Macron a réussi à améliorer « un peu » les relations avec l’Afrique. Il estime cependant que Macron a « commis quelques gaffes, comme ses propos sur la démographie africaine galopante, mais surtout il se comporte en puissance tutélaire en désignant qui peut venir au sommet de Montpellier. Il choisit les intellectuels qui le préparent. À l’évidence, il a une bonne intuition sur les domaines où doivent changer les relations franco-africaines, mais il irrite les Africains par un comportement qui les fait douter de ses intentions ».
Un Macron rempli de bonnes intentions ? Le président français considère comme une « importante rupture » avec son mode opératoire ce 28e sommet. Notamment parce que celui-ci se déroulera sans la participation des chefs d’Etats africains ou de leurs représentants. Mais, alors que la France est de plus en plus mal vue en Afrique, cet événement ressemble à une opération de la dernière chance pour Emmanuel Macron, à quelques mois d’une élection présidentielle décisive.