Des affrontements armés ont eu lieu ce dimanche 25 avril à Mogadiscio, en Somalie. Il semblerait que des escarmouches ont opposé des troupes loyales au président Mohamed Abdullahi Mohamed et des soldats mutinés opposés à la récente prolongation de son mandat.
La crise politique en Somalie, après la récente extension du mandat du président Farmajo de deux ans, a passé le cap du conflit armé ce dimanche. Des coups de feu ont éclaté dans la capitale somalienne Mogadiscio. Les forces de sécurité fidèles à Farmajo se sont heurtées à des unités de l’armée qui se seraient rangées du côté de l’opposition.
La querelle politique somalienne devient donc violente. Les tensions étaient palpables depuis que le président n’a pas tenu les élections prévues pour février. Farmajo avait ensuite prolongé son mandat de deux ans. Les opposants ont après accusé Abdullahi Mohamed de prise de pouvoir inconstitutionnelle.
C’est dans ce contexte que les affrontements de ce dimanche se sont déclarés à Mogadiscio. Les combats, parmi les pires depuis des années, ont été précédés par des pourparlers. Les discussions ont duré tout le mois de mars.
Un contexte politique compliqué
Mohamed Abdullahi Mohamed Farmajo fait face à une rude opposition depuis 2017. En 2018, une motion de censure parlementaire a été déposée contre lui, l’accusant de conclure des accords secrets avec l’Ethiopie et l’Erythrée.
Néanmoins, l’américano-somalien a pu gagner le vote parlementaire plus tard. Le retour des tensions politiques en Somalie a eu lieu en février de cette année, lorsque les élections législatives et présidentielle ont été annulées par le gouvernement. Selon Farmajo, il aurait été difficile logistiquement d’organiser la tenue des élections.
Deux mois plus tard, le président somalien a signé une loi prolongeant son mandat de deux ans. Cette décision lui a valu les critiques de l’opposition somalienne, ainsi que de ses alliés occidentaux, surtout les Etats-Unis. La prolongation du mandat de Farmajo a donc signé la fin des négociations sur la date des élections reportées. Les Nations Unies avaient médié ces négociations, et leur annulation a aggravé une situation déjà très volatile.
Les expatriés occidentaux visés ?
La fusillade a commencé dimanche matin après que des soldats mutinés alignés avec l’opposition ont pris position à plusieurs endroits stratégiques de Mogadiscio, ouvrant le feu sur les forces du gouvernement. Selon l’opposition somalienne, la dissension avait été provoquée par les puissantes divisions claniques, qui ont souvent été au centre des troubles auxquels la Somalie est confrontée depuis l’effondrement de son gouvernement central en 1991.
Les principaux affrontements auraient eu lieu devant les maisons de Hassan Sheikh Mohamoud, ancien président de la Somalie, et d’Abdirahman Warsame, chef du parti d’opposition Wadajir. Dans des déclarations, les deux hommes ont blâmé Farmajo pour les attaques.
Alors que les factions rivales échangeaient le feu jusque tard dans la soirée de dimanche, des responsables occidentaux ont appelé à l’arrêt des combats qu’ils craignaient de dégénérer en une guerre civile. En effet, un conflit à l’intérieur de l’armée pourrait anéantir des années de progrès modestes mais réguliers vers la « transformation de la Somalie en un Etat fonctionnel », selon l’ONU.
L’ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Somalie, Nicolas Berlanga, a tweeté appelant à la retenue de toutes parts. « La violence est inacceptable et les coupables seront tenus responsables », a-t-il écrit.
Highly concerned about the ongoing events in Mogadishu. The general interest requests maximum restraint, preserve institutions that belong to all and dialogue. Violence is unacceptable. Those responsible will be held accountable.
— Nicolas Berlanga (@NBerlangaEU) April 25, 2021
Un conflit interne sur motif politique
Les combats ont également soulevé la possibilité de divisions plus profondes à l’intérieur de l’armée somalienne. Les unités formées à l’étranger, y compris une escouade de commandos d’élite financée par les Etats-Unis, pourraient prendre part aux combats. Des civils étrangers ont déclaré qu’ils s’étaient retirés dans des bunkers. Selon les nombreux tweets, ces expatriés voulaient éviter d’être touchés par des tirs des forces du gouvernement.
Le ministre somalien de la Sécurité Hassan Jimale a nié ces accusations, lors d’une conférence de presse organisée plus tard dans la soirée du dimanche. Il a déclaré que c’était inacceptable que le gouvernement ou le président soient au centre des accusations. Selon Jimale, des pays étrangers, qu’il n’a pas spécifié, seraient à l’origine de l’insurrection au sein de l’armée. Il n’a pas spécifié le nombre de personnes tuées ou blessées.
Un ancien conseiller présidentiel à la sécurité nationale, Hussein Sheikh-Ali a déclaré : « Il semble que Farmajo a décidé de se suicider politiquement en attaquant tous les opposants de la ville », a-t-il affirmé.
Toutefois, depuis le 14 avril, les principaux opposants de Farmajo s’étaient déjà retirés dans leurs fiefs, sous la protection de leurs clans et de leurs milices armées. Les affrontements de dimanche ne viseraient donc pas l’opposition, dont les principaux représentants ne sont pas à Mogadiscio. Une scission au sein des forces armées serait donc la théorie plus crédible. Un ancien chef de la police de Mogadiscio, Sadek John, était impliqué dans les escarmouches d’hier. John s’était battu du côté des insurgés, si on en croit le New York Times.