Au Sénégal, le procès des 84 personnes arrêtées lors des manifestations du 17 juin dernier a débuté ce lundi. A la barre, les deux députés de la coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi, entre autres.
Au Sénégal, 84 prévenus sont confrontés à la justice après avoir manifesté malgré l’interdiction de la préfecture, le 17 juin dernier. Ils comparaissent devant une juridiction spéciale, à l’occasion d’un procès public. Les premières auditions ont concerné les présumés instigateurs des manifestations du 17 juin à Dakar et en Casamance : le journaliste et maire de Guédiawaye Ahmed Aïdara, le mandataire de Yewwi Askan Wi Dethie Fall, et la députée Mame Diarra Fam. Troubles à l’ordre public, participation à un attroupement non-armé et participation à un mouvement insurrectionnel… Les chefs d’accusation varient selon les prévenus.
En fin de journée, le parquet a requis 6 mois de prison contre le maire et un an pour les deux députés. Ahmed Aïdara a finalement été condamné à un mois de prison avec sursis, et est donc reparti libre. Les deux députés du mouvement Yewwi Askan Wi, eux, attendront la suite du procès, indiquent les médias sénégalais.
Un procès qui a fait beaucoup de bruit. Les leaders de l’opposition, à l’instar d’Ousmane Sonko et de Khalifa Sall, étaient présents à l’audience. Parmi les 84 prévenus se trouvaient six agents de sécurité travaillant pour Sonko, justement. Le lendemain des manifestations, les forces de l’ordre avaient bloqué le passage vers les demeures de Sonko, de Barthélémy Dias, l’un de ses plus fervents soutiens, et du maire de Dakar, anticipant de nouvelles sorties.
Procès politique ou procès politisé ?
L’audience, qui s’est tenue devant le tribunal de Pikine, aura donc été longue et chaotique. Des dizaines de milliers de Sénégalais ont suivi ce premier round judiciaire de Yewwi Askan Wi sur les réseaux sociaux ou à la télévision.
Le juge en charge de l’affaire a appelé d’emblée au calme, affirmant que « seul le droit » sera appliqué « quelles que soient les circonstances ». Si la libération du maire de Guédiawaye devrait apaiser un peu les prochaines audiences, les soutiens des opposants sénégalais ont investi les médias sociaux, où les publications se comptent par dizaines de milliers.
Les deux députés de Yewwi Askan Wi ont plaidé leur cause au tribunal. Dethie Fall a, pour sa part, déclaré : « On ne peut pas me reprocher une manifestation qui n’a pas existé. Nous sommes au Sénégal, le droit de manifester est inscrit dans la Constitution ».
Quant à la représentante de la diaspora, Mame Diarra Fam, elle affirme avoir été « enlevée » alors qu’elle se dirigeait vers la demeure de Barthélémy Dias. Fam soutient aussi ne pas avoir participé aux manifestations, tout comme Dethie Fall qui dit avoir été « enlevé devant le siège de son parti ».
Quoi qu’il en soit, alors qu’approchent les législatives du 31 juillet au Sénégal, Yewwi Askan Wi occupe, notamment avec ce procès, l’espace médiatique. Selon Africa Intelligence, plusieurs proches d’Ousmane Sonko ont fait, le mois dernier, une tournée européenne « pour lever des fonds auprès de la diaspora ».
La coalition de l’opposition a annoncé une marche le jeudi 30 juin, notamment pour réclamer la libération des prévenus.
Législatives au Sénégal : Yewwi Askan Wi spécule sur son procès, BBY bat campagne
Pour rappel, les manifestations du 17 juin au Sénégal avaient pour point de départ l’invalidation de listes électorales de Yewwi Askan Wi. Or, après les heurts entre les manifestants et les forces de l’ordre, trois personnes sont décédées.
Alors que l’opposition sénégalaise — Ousmane Sonko en tête — comptent clairement capitaliser sur l’attention des médias aux manifestations et au procès subséquent, la coalition du pouvoir Benno Bokk Yakaar (BBY) bat campagne.
Ce lundi, c’est à Kaolack que se sont retrouvés les poulains de Macky Sall pour les législatives. Un choix sûr dans cette ville où la cheffe de BBY, l’ex-Première ministre Aminata Touré, est chez elle, dans son bastion politique. L’ancien Premier ministre Souleymane Ndiaye et l’avocat de l’accusatrice de Sonko dans son affaire de viol — Adji Sarr —, El Hadji Moustapha Diouf, ont également accompagné Aminata Touré dans son meeting de Kaolack.
Dimanche dernier, un tweet du député français Olivier Faure, dénonçant « l’instrumentalisation de la justice » au Sénégal a provoqué l’ire du BBY. Le porte-parole de la coalition de Macky Sall et président de la majorité parlementaire, Aymerou Gningue, a déclaré : « Nous pensions ces temps révolus, de voir des politiques français s’immiscer dans nos politiques intérieures avec autant de légèreté ».
La démocratie Sénégalaise est piétinée. La liberté de manifester est entravée, la justice instrumentalisée. Les députés d’opposition DÉTHIÉ FALL, MAME DIARRA FAM, BARA DOLLY MBACKÉ et Le maire AMETH AÏDARA doivent être libérés#Free_Sénégal #Stop_Macky_Sall
— Olivier Faure (@faureolivier) June 25, 2022