Alors que le Maroc comptait imposer le dossier du Sahara occidental lors du 35e sommet de l’Union africaine (UA), qui s’est tenu ce weekend, l’instance n’a pas abondé dans le sens du royaume chérifien.
A l’Union africaine (UA), concernant le sujet épineux du Sahara occidental, le vent est-il en train de tourner pour le Maroc ? Entre le 2 et le 4 février, les discussions au sein du Conseil exécutif de l’UA ont fait bouger les lignes, les représentants de l’Algérie et de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ayant demandé une réelle évaluation de la situation des droits de l’Homme au Sahara occidental.
Alger, par le biais de l’envoyé spécial de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), Amar Belani, a accusé le président de la commission, Rémy Ngoy Lumbu, d’être au service d’un « agenda marocain ».
Le jour suivant, le sommet de l’Union africaine débutait. Malgré la demande insistante du Maroc, la question sahraouie n’a finalement pas été abordée. Le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a déploré dans les médias l’influence de « trois à quatre pays » qui seraient à l’origine des décisions de l’UA.
Le mécontentement du diplomate marocain a concerné, d’abord, la question du statut d’observateur d’Israël. Mais dimanche, le représentant du royaume chérifien a surtout désapprouvé l’absence de toute référence à la question du Sahara occidental des rapports de l’UA.
Uhuru Kenyatta fait bouger les lignes au CPS
Mais, en réalité, le royaume marocain semble pris de court. Car dans les couloirs du Centre de Conférences de l’UA, les commissions concernées par la sécurité et les droits de l’Homme semblent bien s’être saisies du dossier sahraoui.
Et la tendance est, surtout, à la recherche d’une solution africaine pour le Sahara occidental. Ainsi donc, le Conseil de la paix et de la sécurité (CPS) et la CADHP mobilisent les diplomates pour étouffer les revendications marocaines.
Du côté du CPS, le président en exercice, Uhuru Kenyatta, a réclamé que l’Assemblée de l’UA « s’acquitte de son mandat sur le conflit sahraoui ». Le président kenyan a insisté sur l’importance, pour l’Union africaine, de « trouver une solution qui garantira l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ».
Il a également rappelé que le Sahara occidental était « la dernière colonie africaine ». Des termes loin d’être choisis au hasard : la RASD et l’Algérie utilisent ces mêmes mots. L’influence marocaine sur le CPS semble totalement inexistante. Le CPS a donc prévu un sommet de haut niveau sur le Sahara occidental le 16 février prochain, qui regroupera notamment les chefs d’Etat concernés. Une première.
Quant à la CADHP, traditionnellement pro-marocaine, tout semble également changer. Les remous de jeudi dernier ont provoqué un changement de ton. Au sein de la commission, ce sont deux personnages qui bousculent l’organe de l’UA vers une position plus claire.
Une influence algérienne grandissante au sein de l’UA
Depuis l’élection de Rémy Ngoy Lumbu (RDC) à la tête de la CADHP, à la place de l’Ethiopien Solomon Ayele Dersso, la RASD et l’Algérie ont dénoncé « l’agenda marocain » de la commission des droits de l’Homme. La nomination de la diplomate algérienne Maya Sahli — alliée historique du chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra — en novembre dernier, à la vice-présidence de la CADHP, a finalement abouti à une discussion de fond sur le Sahara occidental. En effet, c’est la première fois que la direction de l’instance critique son propre rapport.
Selon une source diplomatique, c’est Maya Sahli qui avait imposé, le 30 janvier dernier, à la CADHP d’écouter son compatriote, l’envoyé spécial de l’UA sur la question du Sahara occidental et des pays du Maghreb, Amar Belani.
Belani a donc présenté son propre rapport sur la situation au Sahara occidental, dénonçant des « crimes de guerre », des « assassinats ciblés » et des « violations des accords militaires » marocains. Suite à la sortie du diplomate, la CADHP devra, conformément au règlement de l’UA, faire de nouvelles recommandations sur le Sahara occidental lors de l’Assemblée générale de l’UA.
Et si l’ONU devenait plus sérieuse sur le Sahara occidental ?
Une mouvance inhabituelle au sein de l’UA, qui s’est d’ailleurs traduite sur plusieurs dossiers lors du sommet annuel de l’instance. Un contexte qui trahit, d’ailleurs, l’inefficacité des Nations unies, qui semblent encore totalement absentes sur ce dossier.
La fin de la tournée de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, mi-janvier, n’a rien apporté de neuf concernant le dossier. Pourtant prometteuse, la nomination de Staffan de Mistura n’était-elle finalement qu’un coup de communication ?
Il a fallu deux ans pour que l’ONU nomme enfin un nouvel envoyé pour le Sahara occidental. Et avec Staffan de Mistura, António Guterres a tenté de mettre la barre haut. De Mistura bénéficie, après tout, d’un CV prestigieux et peut se targuer d’une carrière de plus de 40 ans aux Nations unies. Il a été chargé de dossiers plus épineux que le Sahara occidental, comme le Liban, l’Afghanistan, le Rwanda, l’Iraq ou la Syrie. Pourtant, même ce diplomate aguerri semble dépassé.
Car, après une tournée de plus de dix jours, qui s’est conclue par un tête-à-tête avec le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita, le 13 janvier, Staffan de Mistura semble errer sans vraiment faire bouger les choses, que ce soit dans un sens ou dans l’autre.
Enfin, si l’UA se charge réellement du dossier, cela pousserait probablement l’ONU à être plus décisive dans un conflit qui dure déjà depuis plusieurs décennies.