Depuis quelques semaines, un vent en provenance du Sahara inquiète l’Europe. Des scientifiques assurent que le vent saharien serait chargé de poussières radioactives.
Un vent en provenance du Sahara souffle sur l’Europe, et particulièrement sur la France. Rien d’anormal. Et pourtant, selon l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest (ACRO), les vents chargés de poussières en provenance du Sahara contiendraient des résidus radioactifs. Des résultats d’analyse qui trouvent leur explication dans l’histoire de France : des essais nucléaires, réalisés par Paris, ont en effet été faits en Algérie dans les années 1960. Et le moins que l’on puisse dire est que ce « crime » — comme l’avait défini l’ancien ministre des Moudjahidine Saïd Abadou en 1996 — revient comme un boomerang au visage de la France.
Difficile en effet de penser que les essais nucléaires français n’ont eu qu’un impact limité sur l’environnement et les vies humaines. Le matériel radioactif en question est le césium-137, contenu dans plus de la moitié des ogives nucléaires des 210 tirs d’essai nucléaires français, pratiqués entre 1960 et 1996.
Sous la présidence de Charles de Gaulle, et avec l’assentiment de René Coty, la France a choisi le désert algérien pour ses premiers tests nucléaires de la bombe A. Au début des opérations, les tests s’opéraient à partir du Centre d’expérimentations militaires des oasis (CEMO) situé sur le site de Reggane à Adrar, avant d’être réalisés d’Ein-Ecker.
La France dit non à la décontamination
Ce n’est qu’à partir de 1965 que la France a commencé les tests de la bombe-H, dont l’ogive est de la même puissance que les bombes américaines ou soviétiques. Etant donné le coût élevé des tests en sievert (Sv) de la large zone couverte par les tests nucléaires, la France n’a jamais jugé utile d’effectuer un service après-vente. Ces tests auraient pourtant permis de sonder les zones aptes à la décontamination et celles qui doivent être condamnées.
En 1998, la France a ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), bien plus tard que les autres pays, dont les Etats-Unis qui avaient signé en 1996 et complété les tests Sv en 2002. Outre l’Algérie, la France a également pratiqué des essais nucléaires à Mururoa et Fangataufa, deux îles de Polynésie française, entre 1975 et 1996.
Concernant le Sahara, au total, quatre essais nucléaires avaient déjà provoqué une exposition significative des populations algériennes et maliennes. Plus de 2 000 personnes sont en effet décédées de la contamination au césium et à l’uranium en Algérie, depuis les essais jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit là des statistiques officielles, et il y a fort à parier que le chiffre réel est bien plus dramatique. Sans parler des conséquences écologiques.
Les sables qui volent dans le ciel français aujourd’hui sont exactement les mêmes. Mais avec le temps, ils sont devenus moins radioactifs. Selon le rapport de l’ACRO, la pollution radioactive détectée en France ne serait que de 80 000 becquerels par kilomètre carré. On est donc loin d’un danger pour la santé humaine.
La France doit « assumer ses responsabilités historiques »
Et pour ceux qui doutent de l’effet papillon des essais nucléaires français dans le Sahara, le même rapport implique directement la France. Le césium-137, responsable de la pollution en question, émane en effet bien des essais de Paris dans la région algérienne. L’ACRO cite un « radioélément artificiel qui n’est pas présent naturellement dans le sable (…) issu de la fission nucléaire mise en jeu lors d’une explosion provoquée ».
Du côté de l’Algérie, le général Bouzid Boufriwa, commandant de l’Armée nationale populaire (ANP), n’a que peu de peine pour la France. L’élu rappelle en effet que Paris n’a jamais voulu révéler la localisation de l’enfouissement de ses déchets nucléaires dans le désert algérien, et qu’elle n’a qu’à « assumer ses responsabilités historiques ».
Le même responsable a aussi déploré lors d’une Interview pour Algérie ECO « l’absence d’informations techniques sur la nature des explosions nucléaires et le matériel pollué enfoui », qualifiant l’absence de données sur les essais nucléaires français en Algérie de « crime majeur commis par la France coloniale ».