En République démocratique du Congo, la justice a décidé, ce lundi, de remettre l’ancien directeur de cabinet de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, en liberté provisoire. Les partisans du parti présidentiel n’ont pas caché leur colère.
La Cour de cassation de République démocratique du Congo (RDC) a décidé d’accorder la liberté provisoire « pour des raisons humanitaires », conditionnée par 500 000 dollars de caution, à l’ancien président de l’Assemblée nationale, chef de l’Union pour la nation congolaise (UNC), Vital Kamerhe. Kamerhe avait été condamné pour détournement de fonds publics dans l’affaire des logements sociaux des 100 premiers jours du président Félix Tshisekedi, dont il a été le chef de cabinet.
L’arrestation et la condamnation de Vital Kamerhe avaient marqué le début de l’opération mains propres de Tshisekedi. En RDC, plusieurs ministres, militaires et hauts fonctionnaires ont été épinglés dans des affaires de corruption.
La libération, même provisoire, de Vital Kamerhe a, à la fois, suscité l’engouement de ses supporters de l’UNC, et la colère de ceux de Félix Tshisekedi, de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Certains ont, en effet, manifesté cette nuit à Kinshasa. La presse congolaise parle notamment de « mécontentement des ‘combattants’ de l’UDPS » — comprenez la jeunesse du parti au pouvoir, qui soutient le président dans sa démarche pour venir à bout de la corruption en RDC.
Sur Kabambare (Commune de Kinshasa), les combattants en colère après la libération de Vital Kamerhe pic.twitter.com/8KfzBT8oaB
— Erick Bukula (@erickbukula) December 6, 2021
Vers un éventuel retour au calme dans le Sud-Kivu ?
Un événement difficile à gérer, donc, pour le chef de l’Etat, qui doit composer avec des partisans en colère, et assumer la responsabilité d’une décision inexplicable de la plus haute cour congolaise. En effet, les faits imputés à Vital Kamerhe sont prouvés. Et ont valu à l’ancien directeur de cabinet présidentiel une condamnation à 20 ans de prison, allégée à 13 ans en appel. Le co-accusé de Vital Kamerhe, l’entrepreneur libanais Samih Jammal, purge encore une peine de 6 ans depuis le jugement en appel.
Mais si la décision de la Cour de cassation interroge en raison de sa perception, ses répercussions sécuritaires pourraient tout aussi bien tourner en faveur de Félix Tshisekedi. En effet, Vital Kamerhe a un électorat bien spécifique : la quasi-totalité de ses partisans sont du Sud-Kivu. La région, qui se situe sur la frontière rwandaise et burundaise, a été touchée par plusieurs crises.
D’abord, et depuis l’état d’urgence dans l’est du pays et l’opération antiterroriste de l’armée, le Sud-Kivu a connu ses premiers attentats terroristes depuis des années, commis par les Forces démocratiques alliées (ADF). Ensuite, depuis la dernière éruption du volcan Nyiragongo, une crise de réfugiés a secoué toute la région.
Là où interviendrait, éventuellement, Vital Kamerhe, qui compte 1,5 million de votants dans la région peu contrôlée par l’Etat, qui compte 5 millions d’habitants, c’est que le retour de relations cordiales entre ses partisans et Kinshasa pourrait rétablir l’ordre. Notamment, faciliter le travail des responsables locaux, sans avoir recours à l’armée. Cette dernière étant, selon les ONG, responsable d’une majorité des exactions commises dans le Sud-Kivu.
Un séisme politique en vue
Politiquement, en revanche, la libération de Vital Kamerhe, surtout si elle perdure, pourrait toucher à la crédibilité de Félix Tshisekedi auprès de ses partisans. S’il est vrai que le chef de l’Etat ne peut être tenu directement responsable des décisions de la justice, cela n’empêche pas les Congolais de lui en tenir rigueur.
Toutefois, il est tout autant possible que le pourvoi en cassation, qui a entrainé sa libération provisoire, ne suffise pas à blanchir Vital Kamerhe. Néanmoins, la large mobilisation de son parti, l’UNC, fait craindre le pire. Aujourd’hui bien installé dans sa résidence, au milieu de dizaines de milliers de ses partisans, à Bukavu, Kamerhe est très loin de la sphère d’influence de Kinshasa.
🔴 #Sud-Kivu : Liberté provisoire pour Vital Kamerhe @VitalKamerhe1, voici l’ambiance au siège de son parti à #Bukavu.@VitalKamerhe1 @uncrdc @BillyKambale1 @justperryli pic.twitter.com/oXPGUa9SDP
— DAVID ALUTA (@AlutaDavid1) December 6, 2021
La situation fait craindre, aussi, pour les dizaines d’autres affaires de corruption ayant touché d’anciens responsables politiques en RDC. Pour rappel, le premier juge ayant délibéré dans cette affaire, Raphaël Yanyi, avait été empoisonné. Pour les observateurs, cependant, la libération de Vital Kamerhe pourrait aussi inquiéter Washington, qui conditionne son rapprochement avec la RDC par la campagne anti-corruption lancée par le président congolais.