En visite officielle en Guinée, le président gambien a rencontré Alpha Condé, qui entretient des relations conflictuelles avec le Sénégal et la Guinée-Bissau.
« Entre le Sénégal et la Gambie les relations de parenté et d’amitié sont privilégiées », indiquait en mars dernier le site officiel de la présidence sénégalaise. Le président Gambien Adama Barrow effectuait alors une visite privée à Dakar pour rencontrer son homologue sénégalais. Une histoire d’amitié qui date de l’arrivée de Barrow au pouvoir. En 2016, Adama Barrow est élu lors d’une présidentielle qui l’oppose au chef de l’Etat sortant, Yahya Jammeh. Ce dernier refuse de céder le pouvoir.
Le Sénégal laisse alors entendre à plusieurs reprises qu’il reconnaît Adama Barrow comme le président élu de Gambie. « Je suis convaincu que le dialogue permettra de faire entendre raison au président Jammeh et de convenir avec la CEDEAO, l’Union africaine et les Nations unies, des modalités de passage entre lui et le président élu », affirme alors Macky Sall quelques jours après le scrutin.
C’est d’ailleurs le président sénégalais qui s’occupera, les heures précédant la prestation de serment d’Adama Barrow, du nouveau président gambien. Mi-janvier, au terme du 27e Sommet Afrique-France de Bamako, au Mali, Macky Sall embarque avec lui Adama Barrow, qu’il loge discrètement dans une chambre de l’hôtel King Fahd de Dakar, en attendant son intronisation officielle.
Les services rendus par Alpha Condé
Etonnant, donc, aujourd’hui, de voir Adama Barrow se rendre en Guinée à la rencontre d’Alpha Condé, le meilleur ennemi de Macky Sall. Si deux présidents entretiennent des relations houleuses, ce sont en effet bien Sall et Condé. Il faut dire que l’amitié qui lie Macky Sall à Umaro Sissoco Embaló, le président de Guinée-Bissau, passe mal en Guinée Conakry. Depuis 2020, Alpha Condé reproche également à son homologue sénégalais d’être trop accueillant avec son principal opposant, Cellou Dalein Diallo.
Mais Adama Barrow considère certainement avoir une dette envers le président guinéen. En janvier 2017, quelques semaines après l’élection présidentielle gambienne, le président mauritanien Abdel Aziz avait affirmé avoir convaincu Yahya Jammeh de quitter le pouvoir à la suite d’une médiation menée avec… Alpha Condé. Lors du Sommet Afrique-France au Mali, il avait d’ailleurs passé son premier déjeuner officiel de président placé entre Alpha Condé et Mahamadou Issoufou.
« Le président Alpha Condé a joué un rôle pour éviter un bain de sang en Gambie », résumait en mai dernier le ministre gambien des Affaires étrangères venu « renforcer les relations bilatérales entre Gambie et la République de Guinée ». De plus, les deux pays sont membres de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie. Ce jeudi, c’était au tour du président gambien de fouler le sol guinéen. Barrow a affirmé vouloir, « en tant que jeune président, profiter de l’expérience politique du président Condé ». Une visite officielle pour remercier Alpha Condé pour son rôle joué fin 2016 ?
Une aubaine pour un président de plus en plus isolé
Cette visite est en tout cas une aubaine pour Alpha Condé, de plus en plus isolé diplomatiquement. Les Etats-Unis, la France et l’Union européenne ont émis de sérieux doutes sur « la crédibilité des résultats » de la dernière présidentielle guinéenne et avaient fustigé le référendum constitutionnel organisé par Conakry un peu plus tôt. Et ce n’est pas sa décision unilatérale de fermer les frontières avec le Sénégal, la Guinée Bissau et la Sierra Leone, sans en avoir informé la CEDEAO, qui ont aidé le président guinéen. S’il a participé aux investitures récentes de l’Ougandais Yoweri Museveni et du Congolais Denis Sassou N’Guesso, en Guinée, les chefs d’Etat qui rendent visite à Alpha Condé ne se bousculent pas.
Isolé, Alpha Condé peut respirer avec la visite d’Adama Barrow. Mais celle-ci ne suffira certainement pas à remettre la Guinée sur la scène internationale. Notamment parce que Condé entretient des relations tendues avec la plupart de ses voisins. « Moi, je ne me mêle pas des affaires intérieures des autres pays. On sait très bien ce qu’il s’est passé il y a un an, quand le président en exercice de la CEDEAO a voulu téléguider une mission de chefs d’Etat, envoyés comme des toutous pour empêcher la Guinée de progresser », se souvient le président guinéen qui ne risque pas d’accueillir d’autres chefs d’Etat africains de sitôt.