La dette souveraine du Soudan continue de s’alléger. Après l’annulation de 5 milliards de dollars par le gouvernement français, c’est le Club de Paris qui a fait un geste en faveur du Soudan.
Le Soudan est-il devenu le meilleur ami des sphères financières occidentales ? Cela ne fait aucun doute. Après les 5 milliards de dollars de dette effacés par la France et au moins 11 milliards rééchelonnés par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, c’est au tour de plusieurs autres créanciers d’effacer une partie de l’ardoise soudanaise. Le Club de Paris, qui regroupe de manière informelle des créanciers publics, a signé un accord, vendredi dernier, prévoyant l’annulation pure et simple de… 14,1 milliards de dollars de dette souveraine soudanaise. L’annonce a été faite par Emmanuel Moulin, directeur général du Trésor (DGT) et actuel patron du Club de Paris.
Et ce n’est pas fini, car un financement direct du FMI à hauteur de 1,5 milliards de dollars sera injecté aux recettes publiques soudanaises cette semaine. Ces fonds, levés par le FMI et la Banque mondiale, ont fait l’objet d’un accord fin juin. Pourtant, l’économie du Soudan ne cesse de s’écrouler sous le poids d’une inflation record. En effet, l’inflation dans le pays a dépassé les 300 % en trois mois, et la livre soudanaise a été dévaluée de 85%.
Mais ces efforts internationaux ne sont pas forcément des cadeaux : le FMI et la Banque mondiale demandent généralement des contreparties. Entre licenciements massifs dans le secteur public, levée des subventions sur les aliments, les médicaments et les hydrocarbures, les Soudanais ont vu leur pouvoir d’achat littéralement être divisé par deux. A titre d’exemple, le prix du gallon d’essence à la pompe a augmenté de 1,5 euros à 3 euros en deux semaines.
On reste perplexe,le Soudan est endetté pour #24Mds de $ aupres du Club de Paris,on se demande -pourquoi la F est si généreuse alors que sa dette est abyssale-quelles sont les contreparties rendant l'opération rentable-Pourquoi c'est prioritaire,ce pays n'ayant aucun lien majeur. https://t.co/deF5GQvk3w
— Pillod jean christian (@PillodC) May 17, 2021
La souveraineté du Soudan mise à mal
Il s’agit là de la pire catastrophe socioéconomique dans l’Histoire du pays. Le putschiste et actuel président Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan semble toutefois satisfait. Il a d’ailleurs annoncé être « fier de pouvoir compter sur l’aide des institutions financières, des Nations unies et des pays de l’Union européenne ». En marge du Sommet de paris sur les économies africaines, al-Burhan avait annoncé que le Soudan devait régler son souci de dette « pour arrêter l’inflation ». Toutefois, si la liquidation de la dette s’accompagne d’une explosion des prix de la vie courante, le Soudan a-t-il pris la bonne direction ?
Quant à la gouvernance du Conseil de souveraineté soudanais, dont al-Burhan est président, elle est hautement critiquable sur tous les autres plans. Au niveau financier, la mauvaise gestion est claire et nette. Les libertés individuelles, elles, ne cessent de se dégrader. Sans oublier la crise énergétique, la famine, la répression politique et l’insécurité. La souveraineté diplomatique du Soudan devrait elle aussi pâtir de la situation, l’effacement d’une partie de la dette rendant généralement les pays dépendants des institutions internationales.
Au niveau diplomatique, le Soudan pèse de moins en moins sur l’échiquier américain. Pire, depuis la négociation des accords d’Abraham, le pays est désormais boycotté par les pays arabo-musulmans, à l’exception de l’Arabie saoudite qui a généreusement offert 2,7 milliards de dollars au Soudan en mai. Les seuls alliés sur lesquels al-Burhan peut désormais compter sont l’Egypte, la France et Israël. Et par l’intermédiaire du Club de Paris et de son « cadeau », les Occidentaux vont pouvoir gérer indirectement le Soudan, redevable d’une grande partie de sa dette.
#Soudan : le gouvernement obtient l'annulation de 14 milliards $ dus aux membres du Club de Paris | https://t.co/iXBiRLpVDp pic.twitter.com/HtkRSxT0WN
— Agence Ecofin (@agenceecofin) July 18, 2021