Alors que Mohammed VI a été tourné en dérision dans une émission algérienne, le royaume chérifien peste contre son voisin. Caricaturer le roi est, depuis des décennies, interdit au Maroc.
Le 16 février 2012, le quotidien espagnol El Pais publiait une caricature de Mohammed VI. La distribution du journal ibérique avait été directement interdite au Maroc. Car, précisait un haut responsable du ministère de la Communication, « dans cette caricature, il y a une volonté délibérée de défigurer l’image pour porter atteinte à la personne du roi ».
C’est que, au royaume chérifien, on ne badine pas avec le roi. Dans le Code de la presse au Maroc, il est expressément indiqué que « toute offense (…) envers Sa Majesté le Roi, les princes et princesses Royaux », par une publication, est « punie d’un emprisonnement de 3 à 5 ans et d’une amende de 10 000 à 100 000 dirhams » (1 100 à 11 000 dollars). Une interdiction déjà prévue dans ce même Code de la presse… en 1958. A l’époque, l’amende était alors édictée en francs.
« La caricature chez nous est quasiment interdite par consensus national » (Hassan II)
L’interdiction de se moquer du roi n’est donc pas récente. Et elle est largement entrée dans les mœurs. Il y a trente ans, alors invité sur une chaîne de télévision française dans l’émission « L’heure de vérité », le roi Hassan II expliquait : « J’admets la critique mais je requiers un minimum de respect dans l’expression de cette critique ». Il ajoutait qu’il ne « tolérerait jamais une presse comme Le Canard Enchaîné ». Avant d’affirmer : « La caricature chez nous est quasiment interdite par consensus national ».
Et si l’on a longtemps cru que l’arrivée du jeune Mohammed VI sur le trône allait changer les règles, rien n’y a fait. En 2003, un directeur de journaux satiriques, Ali Lamrabet, est condamné à quatre ans de prison — il sera libéré au bout de six mois après une grâce — pour « outrage à la personne du Roi », après avoir publié plusieurs caricatures.
Khalid Gueddar est, lui, le premier dessinateur marocain qui a osé caricaturer le roi Mohamed VI. Le dessinateur a écopé de trois ans de prison avec sursis en février 2010 après un dessin de presse se moquant de Moulay Ismaël, le cousin du roi. « Le régime marocain a peur de l’humour et du journalisme professionnel, et son animosité à l’encontre des journalistes prend de l’ampleur jour après jour », estimait alors le caricaturiste.
Une émission algérienne qui fait scandale
S’il est interdit de franchir la ligne rouge dans le royaume, les caricatures du roi passent également mal lorsqu’elles viennent de l’étranger. Huit ans après l’épisode d’El Pais, vendredi dernier, c’est au tour d’une chaîne algérienne d’être au centre des critiques. Echourouk News a en effet caricaturé le roi Mohammed VI dans une émission, « Weekend story ». Le monarque apparaissait alors sous les traits d’une marionnette et était raillé pour la normalisation du royaume chérifien avec Israël et au sujet du Sahara Occidental, un sujet épineux dans la région.
De quoi provoquer l’ire du Maroc. Le chef du gouvernement Saâdeddine El Othmani a estimé que « les médias d’opposition mènent une guerre d’insultes contre les institutions constitutionnelles du pays ainsi que le roi Mohammed VI ». De son côté, la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ) estime le comportement de la chaîne algérienne « irresponsable ». En touchant à deux sujet très sensibles — le roi et le Sahara Occidental —, Echourouk a franchi la fameuse ligne rouge, tendant un peu plus encore les relations entre le Maroc et l’Algérie.