La Namibie est dans une situation économique critique. Avec une dette qui pèse sur le PIB à 74 %, le gouvernement est optimiste… A la différence des Namibiens, qui ne voient pas le bout du tunnel.
La récession en Namibie est la plus grave d’Afrique australe. Le parti au pouvoir, l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO), voit de plus en plus sa popularité et sa légitimité s’écrouler. En cause, le déclin socio-économique.
Symbole fort de la crise que traverse actuellement le pays : l’anniversaire de l’indépendance de la Namibie, acquise en 1990, n’a pas été célébré. Pourtant, l’histoire avait bien débuté : depuis plusieurs années, le travail des membres du gouvernement avait été salué. Entre 2002 et 2015, la Namibie a enregistré une croissance économique annuelle moyenne de 6 %. Depuis, le pays n’a pas été épargné par la crise économique mondiale, qui a particulièrement touché ses voisins angolais et sud-africain.
La Banque mondiale avait classé la Namibie parmi les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Le revenu annuel moyen par habitant a culminé à 6 274 dollars en 2015 et a chuté à 5 766 dollars en 2019 selon Financial Afrik. Une véritable success story africaine : pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, le revenu annuel dépassait à peine les 1 600 dollars au début de l’année 2020.
Mais depuis 2015, c’est la chute inexorable de l’économie locale. La distribution des recettes de l’Etat inquiète les autorités internationales et les revenus intermédiaires de la tranche supérieure sont la pointe de l’iceberg : les classes plus modestes souffrent. Selon le dernier rapport des Nations unies sur le développement humain, 56 % des Namibiens employés gagnent moins de 95 dollars par mois. Ce qui représente un chiffre bien inférieur à la moyenne de revenu par habitant en Afrique subsaharienne.
La corruption, source de problèmes
Evidemment, les effets de la pandémie, la hausse du chômage et la sécheresse ont eu des effets néfastes, pour le gouvernement de Saara Amadhila. La Namibie ne retrouvera certainement pas son niveau de 2015 avant 2024, avec une économie qui s’est contractée de 8 % au premier trimestre et une dette abyssale qui cause une inflation que les Namibiens ne peuvent aujourd’hui plus assumer.
L’agence Moody’s a rétrogradé la solvabilité de la Namibie à quatre reprises depuis 2016. Le déclassement le plus récent date de décembre 2020. Et la raison n’était pas la dette namibienne, selon l’agence, mais bel et bien la corruption.
Le scandale des quotas de pêche en 2019 avait impliqué deux ministres et six directeurs d’entreprises étatiques. Et même si tous les inculpés attendent leur procès en prison, la corruption au sein du gouvernement n’a pas pour autant été effacée.
En 2020, le président Hage Geingob avait annoncé une « année d’introspection », promettant de mettre fin à la corruption. Cependant, avec le hashtag #Fishrot, étendard du scandale de 2019, les réseaux sociaux ont commencé à raconter les détournements de fonds successifs dans les compagnies publiques, notamment la société de diamants Namdia, la compagnie aérienne Air Namibia et le fonds de pension de l’administration publique (GIPF).
Le gouvernement a procédé en février à la liquidation d’Air Namibia et le 17 mars à la vente d’énormes parties de Namdia. A l’occasion de la fête de l’indépendance du 21 mars, les réseaux sociaux ont explosé : entre témoignages sur la corruption dans les administrations et dénonciations des hauts cadres de la SWAPO, la contestation a envahi le web, et pourrait rapidement se propager dans les rues de Windhoek.
De nombreux députés se sont fait huer par une foule amassée à l’entrée du Parlement depuis trois jours maintenant. Et des manifestations ont été réprimées à Rehoboth et dans la capitale Windhoek il y a cinq mois. Plusieurs activistes appellent les jeunes à investir les rues. Le début du chaos en Namibie, et la fin d’une jolie promesse de success story.