A douze jours de la présidentielle libyenne, la Haute commission électorale nationale annonce qu’elle ne peut pas publier la liste des candidats. De son côté, l’ONU a voulu nommer une personnalité contestée pour superviser sa mission en Libye : Stephanie Williams.
En Libye, la Haute commission électorale nationale (HNEC), à moins de deux semaines d’un scrutin qui ne devrait, selon toute vraisemblance, pas avoir lieu, vient d’annoncer qu’elle était incapable de publier la liste définitive de candidats. « Nous ne pouvons pas annoncer les candidats acceptés en raison des doutes juridiques persistants », écrit, en résumé, la HNEC dans un communiqué.
L’instance électorale assure vouloir « épuiser toutes les voies de recours » pour que ses décisions soient « conformes à celles des tribunaux ». Des tribunaux qui se retrouvent pour certains assiégés ou envahis par des milices affiliées à des candidats.
Traduction : la HNEC baisse les bras. Et ce alors que la loi électorale prévoyait que la publication de la liste des candidats et la campagne aient lieu quinze jours avant le scrutin du 24 décembre. De quoi s’interroger. Tout d’abord, si l’élection présidentielle libyenne est reportée, qui dirigera le pays ? Le mandat du gouvernement a été prolongé in extremis jusqu’à la date du 24 décembre. Pour la suite, en cas de retard dans l’organisation de l’élection, rien n’a encore été prévu. Ensuite, que va faire la communauté internationale, alors que l’ONU a tenté d’imposer un calendrier qui, selon les observateurs, ne pourra être respecté ?
Les nouvelles ambitions américaines
Les Nations unies ont d’ailleurs dû composer après la démission de Ján Kubiš. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, vient tout juste d’annoncer le nom de l’envoyée spéciale adjointe de la MANUL, Stéphanie Williams, en remplacement de son patron.
Stephanie Williams, malgré ses promesses de mettre en œuvre « la réussite du programme des Nations unies » en Libye, n’a pas réussi à obtenir un poste de cheffe de la MANUL. Notamment à cause d’un véto de la Russie. Un véto attendu quand on sait que la diplomate américano-américaine a été en poste au moment des plus grandes déroutes américaines dans la région MENA : contestations au Bahrein en 2011, Jordanie en 2013, Iraq en 2016… Stephanie Williams n’a pas un CV gage de réussite.
De plus, en Libye, Stephanie Williams a été ambassadrice des Etats-Unis — officiellement chargée d’affaires — en 2018. Sa mission a été d’empêcher la prise du « croissant pétrolier » libyen par l’ANL de Khalifa Haftar. Force est de constater que la région, qui s’étend dans le sud de Syrte, est aujourd’hui partagée entre les Américains, Haftar et les milices tribales.
Une figure qui divise, donc. Ce qui explique l’opposition russe. Mais qui en dit long, également, sur les initiatives occidentales en Libye : si l’ONU n’a rien de mieux à offrir, ne devrait-elle pas lever le pied dans le dossier libyen et laisser d’autres acteurs de la communauté internationale agir ?
Quelle démarche suivre pour maintenir la paix ?
S’il est presque certain que Williams a été proposée par les Etats-Unis, l’administration Biden ne s’arrête pas là. L’ambassadeur des Etats-Unis en Libye, Richard Norland, a déclaré samedi que « refuser d’aller voter, et se mobiliser pour faire obstruction, ne ferait que placer le sort et l’avenir du pays à la merci de ceux ‘à l’intérieur de la Libye et de leurs soutiens étrangers qui préfèrent le pouvoir des balles au pouvoir des bulletins de vote’ ». Une déclaration loin d’apaiser une situation déjà très tendue.
Le vrai défi, toutefois, pour les Libyens, est de s’accorder sur une démarche à suivre. Le gouvernement d’unité nationale (GNU) d’Abdel Hamid Dbeibah a perdu toute sa crédibilité depuis la candidature controversée du Premier ministre à l’élection. Sans oublier, évidemment, les tensions engendrées par certaines candidatures, notamment celle du chef militaire de l’est libyen, Khalifa Haftar. Puis, le retour sur la scène de Saïf al-Islam Kadhafi, qui a envoyé un signal à une partie non négligeable de la population qui soutenait le régime du « Guide de la Révolution ».
Certains observateurs espèrent, toutefois, que cet échec, surtout s’il n’est pas suivi par un nouvel épisode de violences, convaincra les acteurs occidentaux de lâcher du lest dans le dossier libyen. En marge de tout cela, plusieurs pays voisins de la Libye et de nombreux pays africains souhaitent obtenir un siège à la table des négociations, afin de présenter des solutions plus adaptées à cette crise.