Selon de nombreux médias, dont l’AFP, le chef historique de Boko Haram, Abubakar Shekau, serait « grièvement blessé ». Cependant, il s’agira de la 44e annonce de sa mort ou blessure depuis 2009.
Selon deux sources de l’AFP, le chef nigérian de Boko Haram, Abubakar Shekau, aurait été grièvement blessé. Selon ces sources, Shekau aurait tenté de se suicider pour éviter d’être capturé. Toutefois, les deux versions divergent.
Des paradoxes et des doutes
La première histoire relate des affrontements avec des « terroristes rivaux » alliés à l’Etat Islamique (Daech). Les détails vont plus loin en situant l’heure et l’endroit. L’évènement aurait eu lieu dans le Nord nigérien, à Borno, pendant la matinée du 20 mai. Selon cette version des faits, Shekau se serait tiré une balle, afin de ne pas être capturé par Daech. A savoir que les mêmes médias qui racontent cela ont affirmé par le passé l’appartenance de Shekau à Daech. L’AFP avait même précisé qu’il en serait le représentant au Nigéria.
La seconde version parle de ces mêmes alliés de Daech, qui auraient envahi le bastion de Boko Haram de la forêt de Sambisa. Ils auraient tué les gardes du corps de Shekau, l’auraient capturé et essayé de l’obliger à déclarer son allégeance à Daech. Il faut souligner que cette seconde faction des médias a aussi affirmé à maintes reprises l’appartenance de Shekau à Daech. Il aurait ensuite actionné un explosif. Shekau en aurait profité pour s’enfuir selon certains, et il serait mort selon d’autres.
En tout cas, ces annonces, dont la source serait « des agents des renseignements », constituent la 44e fois où le chef de Boko Haram est déclaré mort ou blessé. Et Shekau en avait profité pour déplacer son bataillon, pour disparaitre, ou pour narguer les médias et les autorités à plusieurs reprises. De plus, ce genre de tactiques est très courant parmi les commandants des groupes terroristes. Un très grand doute plane donc sur la véracité de ces propos. Et les paradoxes entre les versions confirment ce doute. Abubakar Shekau, de ses nombreux alias, a été le chef de la faction nigériane de Boko Haram, ainsi que le co-fondateur du groupe terroriste.
Abubakar Shekau en guerre avec Daech ?
Après la « grande scission » du groupe en 2016, Shekau s’était installé, en effet, dans la région du lac Tchad. L’autre moitié du groupe, loyale à Abou Mosab al-Barnaoui (destitué depuis), fait partie, depuis des années, de l’Etat Islamique dans l’Afrique de l’Ouest (EIAO). Il serait pertinent de préciser que le groupe terroriste Boko Haram a revendiqué les attentats récents au Nord nigérian. Au vu de la célébrité du groupe, il est fréquent que les médias occidentaux lui imputent tous les attentats au Nigéria. Or, des dizaines de milices sévissent dans le pays, aux objectifs et méthodes diverses.
Pour cette raison, le gouvernement nigérian parle de « bandits », par exemple dans le cas d’enlèvement d’enfants. L’incapacité de communiquer sur ces exactions relève de la faible présence de l’Etat nigérian dans les régions du Nord. Le gouvernement de Muhammadu Buhari aurait même payé une partie des rançons demandées par ces « bandits », à de nombreuses reprises. L’impossibilité d’exténuer la menace terroriste au Nigéria a même mené le président à demander de l’aide aux Etats-Unis.
Les quelques certitudes pour le moment sont peu nombreuses. Boko Haram mène une offensive d’envergure au Nigéria depuis début avril. Les forces armées nigérianes avaient cédé trois points de ravitaillement à Boko Haram à la fin du mois. Le groupe s’était retiré vers Sambisa début mai. Et dans toutes les attaques menées depuis le début de l’offensive, Shekau n’a jamais été au front. Surtout, malgré les rivalités entre Boko Haram et Daech, les deux groupes terroristes ne sont pas en conflit direct depuis 2017. En effet, la faction de Boko Haram présente à l’Ouest du Niger n’est pas celle d’Abubakar Shekau. Enfin, au Nigéria, Boko Haram est un parmi au moins 67 groupes armés terroristes.