Alors que l’ambassadeur américain en Tunisie va rejoindre le Pakistan, la Maison-Blanche prend son temps pour lui trouver un successeur. Explications.
C’est un retard qui pourrait paraître anecdotique… Le président américain Joe Biden n’a, en effet, toujours pas désigné son nouvel ambassadeur en Tunisie. Et à en croire les bruits de couloir, de l’autre côté de l’Atlantique, cette nomination ne devrait pas intervenir tout de suite.
L’ambassadeur américain à Tunis, Donald Blome, a été désigné pour prendre ses fonctions au Pakistan, début mars. Le haut fonctionnaire, passé par Kaboul, Jérusalem, Le Caire, Baghdad ou encore par le Koweït est une pièce importante de la diplomatie américaine. Le Pakistan est, selon le porte-parole du département d’Etat, Ned Price, un « partenaire stratégique » des Etats-Unis. A demi-mots, il indique donc que les Etats-Unis ne comptent plus autant qu’avant sur la Tunisie.
Dans la presse tunisienne, on tente de faire bonne figure. Interrogé par le journal Assabah, ce jeudi, Donald Blome a tenté de désamorcer la situation : « Les relations tuniso-américaines se sont renforcées, et ce qui le confirme, c’est l’aide américaine à la Tunisie qui a dépassé les deux milliards de dollars ». Si les USA ont effectivement contribué à aider financièrement la Tunisie, le diplomate semble pratiquer la langue de bois.
Car dans les faits, depuis le 25 juillet dernier et la prise des pleins pouvoirs par Kaïs Saïed, l’administration Biden ne voit plus la Tunisie comme une priorité. Fin mars, la Maison-Blanche a proposé une réduction de moitié de l’aide militaire accordée à Tunis, pour l’année en cours. La Tunisie devrait donc toucher à peine plus de 60 millions de dollars contre 110 millions auparavant. Le Département d’Etat se désengage petit à petit de la Tunisie…
Ce mardi, Donald Blome s’est entretenu avec le président tunisien Kaïs Saïed, mais également avec sa cheffe du gouvernement Najla Bouden et le ministre des Affaires étrangères Othman Jerandi. Une rencontre qui répond aux habitudes diplomatiques : quand un ambassadeur américain quitte Tunis, il passe généralement par le palais de Carthage pour effectuer un bilan.
La Tunisie peine à convaincre Washington
Et si Blome prend la direction d’Islamabad, l’ambassade américaine de Tunis devrait rester sans locataire pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Le président Biden doit en effet trouver un remplaçant et soumettre son nom à la commission des relations extérieures du Sénat.
Or, avec la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), il y a une semaine, et les accusations de trahison contre des députés, Kaïs Saïed n’est plus en odeur de sainteté auprès de la Maison-Blanche.
Ned Price, le porte-parole du Département d’Etat américain, a réclamé « un retour rapide à la gouvernance constitutionnelle, y compris un Parlement élu », qui est, selon Washington, « essentiel à la gouvernance démocratique et garantira un soutien généralisé et durable aux réformes nécessaires pour aider l’économie tunisienne à rebondir ».
Le 27 mars, le ministre tunisien des Affaires étrangères avait tenté de rassurer la sous-secrétaire d’Etat chargée de la sécurité civile, de la démocratie et des droits humains, Uzra Zeya, alors en visite à Tunis. Cette dernière était repartie sceptique, mais plus ou moins rassurée. Mais la Maison-Blanche n’a pas apprécié les derniers événements politiques qui se sont déroulés en Tunisie.
De quoi créer un véritable casse-tête pour l’administration Biden, qui va devoir trouver un remplaçant à Blome qui risque bien d’avoir une mission compliquée : taper du poing sur la table tout en restant diplomate. Car avec la Libye toute proche, les Etats-Unis sont aujourd’hui obligés de coopérer avec la Tunisie dans le secteur militaire.