La milice tchadienne active en Centrafrique, 3R, a causé une escarmouche entre les FACA, leurs alliés de Wagner et des soldats tchadiens. Bilan : six morts et un blessé. N’Djaména et Paris accusent, la RCA apaise.
Un malheureux évènement qui a mal fini s’est produit ce soir sur la frontière entre le Tchad et la République centrafricaine (RCA). Des rebelles de la milice « Retour, Réclamation et Réhabilitation » (3R) avaient engagé une patrouille militaire au Nord de la RCA. La patrouille était composée de soldats des Forces Armées Centrafricaines (FACA) et de paramilitaires russes du groupe Wagner.
Après un premier affrontement, la patrouille centrafricaine a poursuivi les assaillants. Les miliciens 3R ont pénétré le territoire tchadien, et des gardes-frontières se trouvaient sur les lieux. S’en est suivie une escarmouche, où les FACA et les paramilitaires l’ont emportée sur les Tchadiens. Selon le bilan officiel, un paramilitaire russe a été tué, un FACA blessé, un soldat tchadien est tombé, et cinq autres Tchadiens ont été appréhendés par la patrouille puis prétendument exécutés.
Depuis, les diplomaties centrafricaine et tchadienne ont présenté des versions contradictoires des faits. Le ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, a envenimé la situation. Selon le site officiel du Quai d’Orsay, l’attaque aurait eu lieu « au poste tchadien de Sourou ». Et évidemment, la France « condamne fermement l’attaque ». Selon la ministre des Affaires Etrangères de la RCA, Sylvie Baïpo-Temon, ce serait « un malheureux malentendu ». Son gouvernement accuse la CPC de François Bozizé, proche de la France.
C’est donc un incident plus que curieux. Par le passé, c’était l’armée tchadienne qui faisait de fréquentes incursions sur le territoire centrafricain. La localité centrafricaine de Mboum où l’échange de tirs aurait eu lieu selon Baïpo-Temon, venait d’être reconquise par la RCA fin avril.
Baba Laddé, chef des 3R, fait-il le boulot de la France ou du Tchad ?
Depuis le décès de leur chef, les miliciens des 3R se sont éparpillés partout dans le Nord. Toutefois, certains avaient profité d’un accord récent, au Tchad. En effet, le chef peul Baba Laddé, commandant historique de plusieurs groupes rebelles, était revenu au Tchad avant l’élection présidentielle. Il avait annoncé une paix avec le défunt président Idriss Déby Itno. Les membres clandestins du 3R au Tchad l’avaient rejoint. Et ils ont tous été réhabilités par les autorités tchadiennes.
Baba Laddé et ses militants font partie du parti tchadien d’opposition Front populaire pour le redressement (FPR). Plusieurs analystes se demandaient où Baba Laddé en était de la crise tchadienne. Toutefois, le chef rebelle supposément en contrôle d’une nébuleuse insurrectionnelle et terroriste a fait profil bas. Plusieurs estiment que ça s’expliquerait par l’intervention de la France pour son blanchiment. En effet, Ce n’est qu’après de longs pourparlers incluant les autorités sénégalaises, congolaises, françaises et tchadiennes que son retour a été permis par Idriss Déby.
On pourrait donc considérer trois faits : Baba Laddé est endetté envers la France et le Tchad. Il est de facto le seul chef des 3R depuis la mort de Sidiki Abass. Les membres des 3R engagés sur la frontière centrafricaine se sont réfugiés au Tchad.
Néanmoins, la prompte condamnation française, particulièrement précise, porte à croire que la France suivait les évènements. Si l’on analyse bien les mouvements des 3R en RCA ces dernières semaines, ils n’avaient jamais engagé les FACA ou Wagner, fuyant toujours l’affrontement. Donc, une seule hypothèse subsiste : les 3R ne seraient jamais réfugiés au Tchad sans une permission préalable. Un laissez-passer qu’ils auraient pu obtenir de deux parties : les autorités tchadiennes ou françaises. Seul le chef des 3R, Baba « le lion » Laddé est en bons termes avec les deux.