Depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Bazoum au Niger, Israël espère une reprise des relations diplomatiques avec le pays africain.
Niamey et Tel-Aviv, la love story de l’été ? Le feuilleton dure en tout cas depuis plusieurs années. En avril 2002, le Niger avait mis fin à ses relations avec Israël, la troisième rupture après celles de 1973 et de 1996. En cause, la situation en Palestine. Dans un communiqué, le gouvernement expliquait que, « en ces moments dramatiques et particulièrement graves que vit le peuple martyr de Palestine, le gouvernement de la République du Niger a décidé pour sa part d’assurer souverainement ses responsabilités en prononçant (…) la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Etat d’Israël ».
Depuis, Israël n’a cessé de faire les yeux doux à l’Afrique, mais également au Niger en particulier. Si bien qu’à la fin de l’année 2018, une rumeur annonçait la reprise des relations diplomatiques entre Niamey et Tel-Aviv. En janvier 2019, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Kalla Ankouraou, mettait les choses au clair : « Il ne peut y avoir des relations diplomatiques avec Israël dans le contexte d’occupation de la Palestine ». Le Premier ministre israélien de l’époque, Benjamin Netanyahu, était quelques jours plus tôt reçu au Tchad par Idriss Déby et rétablissait ainsi les relations avec N’Djamena des relations après 47 ans d’interruption.
Des discussions secrètes
Malgré le démenti du ministre nigérien des Affaires étrangères, Tel-Aviv aurait poursuivi ses discussions avec Niamey en 2019, puis en 2020. Mais Israël aurait préféré s’éloigner des canaux diplomatiques classiques. Et c’est le conseiller spécial du Premier ministre israélien pour l’Afrique du Nord et le Proche-Orient, simplement connu sous le surnom de « Maoz », qui avait avancé ses pions en territoire nigérien. Si le Niger et Israël avaient bien coupé leurs relations diplomatiques, Tel-Aviv fournissait à Niamey une aide technologique dans la lutte contre le terrorisme.
Car Israël se verrait bien arriver en force au Sahel. En voyage aux Etats-Unis en février 2019, Netanyahu avait montré à des organisations juives une carte de l’Afrique sur laquelle il avait inscrit, concernant le Niger, qu’il envisageait des « relations potentielles ». Le Mali, autre pays musulman du continent, était également dans cette situation.
Un peu plus de deux ans plus tard, Netanyahu n’est plus le Premier ministre d’Israël. Au Niger, Mahamadou Issoufou a laissé sa place de président à Mohamed Bazoum. Issu de la tribu arabe des Ouled Slimane, on imagine mal Bazoum rétablir les liens entre son pays et l’Etat hébreu. Pourtant, la rumeur enfle à nouveau concernant une reprise des relations entre les deux Etats. La presse israélienne estime que Tel-Aviv attendait en effet l’élection de Bazoum, moins hostile selon elle qu’Issoufou à une reprise des liens diplomatiques.
Ces dernières années, plusieurs tentatives israéliennes de renouer avec des Etats africains ont échoué. Comme en 2017, lorsque le Togo tenta d’organiser un sommet Afrique-Israël. Celui-ci, prévu du 23 au 27 octobre 2017 à Lomé, n’a finalement jamais eu lieu après le courroux provoqué par cette initiative maladroite du président Faure Gnassingbé. Mais Israël signe… et persiste.
Giorgio Cafiero, PDG de la société américaine de conseil en risques géopolitiques Gulf State Analytics, estime en effet qu’« Israël a tout intérêt à rétablir ses relations diplomatiques avec Niamey pour renforcer son influence en Afrique de l’Ouest ». L’expert se souvient que, en novembre dernier, après avoir rallié, avec l’aide des Américains, le Soudan à sa cause, le directeur du renseignement israélien aurait avoué l’existence de discussions bilatérales avec le Niger concernant un éventuel accord diplomatique.
Les violences contre les Palestiniens ne passent pas au Niger
Un accord qui se jouerait sur le terrain de la lutte contre le terrorisme. Menacé à l’intérieur de ses frontières par des groupes terroristes, le Niger est aujourd’hui confronté à un véritable défi. Des drones et des armes en provenance d’Israël ne seraient pas de refus pour le pouvoir actuel. Mais le revers de médaille pourrait être important : des experts préviennent qu’une normalisation avec Israël attiserait un peu plus la haine des terroristes. Israël espère faire miroiter d’autres bénéfices au Niger, dans l’agriculture ou la santé, en échange d’une signature des Accords d’Abraham. Enfin, il n’est pas exclu que Washington fasse également pression sur Niamey.
Reste une épine dans le pied d’Israël : les violences contre les Palestiniens. L’ambassadeur du Niger à l’ONU, Abdou Abarry, qui préside également l’Organisation de la coopération islamique, a proposé une résolution à l’ONU pour condamner, notamment les « attaques violentes » d’Israël contre les Palestiniens. Le sujet est donc plus délicat qu’il n’y paraît. Et le gouvernement devra prochainement prendre à nouveau position pour ou contre une reprise des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu.