Qui est l’héritier politique du Père de la nation ivoirienne ? Dans son livre « Ni vu ni connu », Jean-Yves Ollivier raconte comment le président Félix Houphouët-Boigny lui a demandé d’aider à faire d’Henri Konan-Bédié son successeur légitime.
Il est à la Côte d’Ivoire ce que le général de Gaulle est à la France : vingt-sept ans après sa mort, Félix Houphouët-Boigny est devenu un enjeu électoral. Pour se faire élire, rien de mieux que de se réclamer de l’héritage du « Vieux », qui est considéré comme le père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Mais cette volonté de se réclamer de la mouvance « houphouëtiste » créé un embouteillage : les deux favoris à la présidentielle d’octobre dernier, Henri Konan-Bédié et Alassane Ouattara, se réclamaient en effet être les héritiers de « Nanan Boigny ».
D’un côté, Alassane Ouattara n’a jamais voulu laisser de place au doute : le président ivoirien est en effet également le patron du RHDP, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix. De l’autre côté, Henri Konan-Bédié, Baoulé comme Houphouët-Boigny, est président de l’Assemblée nationale lorsque le père de la Nation ivoirienne meurt à l’âge de 88 ans. La Constitution prévoit alors à cette époque que ce soit le président de l’Assemblée lui succède. HKB prend donc les rênes du pays entre 1993 et 1995, année d’élections.
« J’ai modifié la Constitution, et cela revient à désigner Bédié comme mon successeur »
Si Alassane Ouattara se réclame de la mouvance « houphouëtiste », Henri Konan-Bédié, lui, assure être l’« héritier légal et moral légitime » de « Nanan Boigny ». Certes, l’ex-président ivoirien n’a jamais fait état de son choix, mais il s’était confié, à l’époque, à un homme : Jean-Yves Ollivier. Dans ses mémoires, contenus dans l’ouvrage « Ni vu, ni connu » (éditions Fayard), l’homme d’affaires raconte comment le « Vieux » lui a demandé de « ‘trouver des moyens’ à son dauphin, Henri Konan Bédié ». Jean-Yves Ollivier décrit comment le passage de témoin s’est déroulé de façon confidentielle. « J’ai eu droit de sa part à une leçon sur les traditions Akan, selon lesquelles on ne doit jamais aider le ‘jeune’. Il ne fallait pas non plus le désigner ouvertement comme successeur », écrit ainsi Jean-Yves Ollivier qui évoque le cas Ouattara.
« Pourquoi laissait-il planer l’ambiguïté en nommant Alassane Ouattara Premier ministre à un moment où les rênes lui glissaient des mains et où le chef du gouvernement était pendant de longues périodes, de facto, aussi chef de l’État ? », demande l’auteur qui relate la réponse d’Houphouët : « J’ai modifié la Constitution, et ceux qui savent lire comprendront que cela revient à désigner Bédié comme mon successeur. Le président de l’Assemblée nationale assure la vacance du pouvoir et prépare les élections. C’est suffisamment clair… » Avant que le « Vieux » ne livre les raisons de son ambiguité : « Mais voyez, Ollivier, si je faisais plus pour adouber Bédié, c’est comme si je le recouvrais d’un lin blanc immaculé. Le moindre caca d’oiseau y ferait une tache indélébile ! »