Ce lundi, le président ivoirien a effectué un véritable plaidoyer anti-FMI. Alassane Ouattara estime que l’Afrique n’est pas assez représentée au sein de l’institution financière.
Invité ce lundi à l’occasion du 60e anniversaire du département Afrique du Fonds monétaire international (FMI) à un débat, Alassane Ouattara a fustigé l’instance financière internationale. Le président ivoirien a pointé du doigt le fait que le FMI fasse « preuve de rigidité sur les questions de déficit pour les pays pauvres durant cette période de pandémie » S’adressant à Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, le chef de l’Etat a estimé que, si cette rigidité continuait, le FMI aurait « des problèmes avec tous les pays ».
Alassane Ouattara a également évoqué la représentativité de l’Afrique au sein de l’institution de Bretton Woods. Selon le président ivoirien, l’Afrique n’a pas assez son mot à dire dans les décisions prises par l’instance financière. « On ne peut admettre que l’Afrique qui représente 54 pays n’ait que 7 % des quotes-parts », a-t-il jugé avant d’assurer que « cela doit changer parce que c’est injuste et obsolète ».
49 pays africains sur 189, 7 % des voix
Sur son site, le FMI précise que « la quote-part d’un pays membre détermine le montant maximum de ressources financières qu’il s’engage à fournir au FMI et le nombre de voix qui lui est attribué, et détermine le montant de l’aide financière qu’il peut obtenir du FMI ». Le FMI compte actuellement 189 pays membres, mais actuellement, si 46 pays d’Afrique subsaharienne y sont représentés — l’Egypte, l’Ethiopie et l’Afrique du Sud furent les premiers membres de l’institution financière —, ils ne disposent que de deux chaises au conseil d’administration du FMI. Leur pouvoir de vote représente 7,09 %. Il faut donc aujourd’hui revoir ces quotas, assure le président ivoirien.
Car le FMI a une véritable influence en Afrique, surtout depuis les années 1990, quand tous les pays africains y ont été représentés ». On l’a vu récemment en Tunisie. Si quelques rares économistes indépendants soutiennent la politique du FMI vis-à-vis du continent, peut-on imaginer que ce soit à tort ? « Croire aux effets bénéfiques des divers programmes étatiques de développement et des interventions des diverses institutions gouvernementales (telles que le FMI) semble largement exagéré », résume l’économiste Jörg Guido Hülsmann, qui a rédigé un dossier intitulé « Pourquoi le FMI nuit-il aux africains ? ».
Il reproche notamment au FMI d’avoir conforté l’Occident dans un soutien notamment financier à « des régimes profondément corrompus en Afrique ». « D’un côté, il y avait les intérêts, politiquement bien représentés, de certaines banques créancières de gouvernements africains, de certaines bureaucraties chargées des relations avec le Tiers-Monde ainsi que de certaines industries exportatrices, notamment les industries d’armement. D’un autre côté, la guerre froide semblait imposer la nécessité de soutenir des régimes vassaux en Afrique. Tel fut le contexte qui permit au FMI de solliciter le support financier des principaux gouvernements occidentaux ».
Le FMI, une institution dépassée ?
Pour Jörg Guido Hülsmann, le manque de considération du FMI vis-à-vis de l’Afrique pose un autre problème, celui-ci plus récent : « Un autre trait caractéristique de l’Afrique est le petit nombre d’individus pourvus d’une bonne formation technique, scientifique ou économique. Le renforcement des appareils d’Etat par le soutien du FMI a provoqué une concentration de ces individus dans les bureaux et offices de l’État. Au ‘brain drain’ vers l’étranger occidental s’ajoutait alors un ‘brain drain’ intérieur. Le moindre talent inhabituel fut absorbé par la gestion de l’Etat et fut donc perdu pour l’économie privée, comme il fut perdu comme leader potentiel d’une opposition qui aurait repris les soucis de la population ». Autrement dit, le FMI, en ne prenant pas en compte les réalités africaines, a consolidé les régimes et empêché le secteur privé de se développer comme il aurait pu et du.
Le FMI est-il aujourd’hui éculé ? Alassane Ouattara, habituellement si clément avec l’Occident, dit tout haut ce que nombre de chefs d’Etat africains pensent : « J’estime qu’il y a un problème structurel. Il porte sur l’organisation du monde après la Deuxième Guerre mondiale. A mon avis il y a de profonds problèmes structurels qui n’ont pas été résolus. Je crois que cette institution est simplement dépassée ».