Le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) a tenu son sommet début février en présence de 36 chefs d’état-major et ministres africains de la Défense, loin des yeux des médias.
Du 31 janvier au 2 février, le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) organisait, à Rome, le sommet des chefs africains de la défense (CHOD 2022). Au moins 36 chefs d’état-major de l’armée de pays africains, ainsi que le patron d’Africom Stephen Townsend, se sont réunis.
Townsend a récemment été la cible de reproches de la part de Washington, à cause notamment de son agressivité dans la Corne de l’Afrique. A la tête des forces américaines en Iraq et présent en Afrique depuis 2016, Townsend a réussi à garder son poste en raison de son influence sur les militaires et des impératifs de sa mission.
Le sommet s’est déroulé sans la présence des médias, qui n’ont pas été invités à Rome. Néanmoins, Townsend a délivré quelques déclarations dans un communiqué publié sur le site d’Africom. Le titre de l’évènement, « Investissement partagé pour un avenir partagé », interpelle. Mais c’est surtout la liste des invités présents sur les photos qui étonne.
Non au coups d’Etat, mais…
Lors de ce sommet, il a tout d’abord été question des coups d’Etat. Selon Stephen Townsend, les putschs en Afrique de l’Ouest seraient « contre l’éthique professionnelle militaire ». Il a exhorté les chefs d’états-major présents à « rester en dehors de la politique ».
Paradoxalement, le général américain poursuit : « Je ne sais pas pourquoi cela se produit, mais je pense que cela est dû à une gouvernance médiocre ou insuffisante et à la corruption, l’une des plus grandes menaces à l’Etat de droit dans une démocratie ».
Townsend a ensuite ouvertement accusé la Russie d’être derrière les coups d’Etat en Afrique. « On m’a demandé si les Russes ou les Chinois étaient généralement derrière ces coups d’Etat. Nous n’avons pas vu l’implication des Chinois, ni qu’ils en étaient les promoteurs. Dans le cas de la Russie, c’est moins clair », a-t-il osé.
« Je ne pense pas que la Russie soit le principal moteur de la plupart de ces coups d’Etat, mais l’influence russe est là au moins dans un ou deux d’entre eux », affirme le militaire américain, qui se veut apolitique.
Africom accuse la Russie
Stephen Townsend affirme aussi détenir « des rapports sur l’implication russe au Soudan au moins ». Il dit aussi que « des centaines de mercenaires de Wagner sont présents au Mali » et que « même si Moscou n’est pas forcément derrière, leur présence fait le bonheur de la Russie ».
« Je les ai vu opérer en Syrie, en Libye, en République centrafricaine et au Mozambique. Ils repartent après avoir pillé le pays », accuse Townsend sans sourciller.
Des propos agressifs du général américain, qu’il a tenus au lendemain du coup d’Etat au Burkina Faso en présence de l’ancien chef d’état-major Gilbert Ouedraogo, remplacé depuis par David Kabré.
Si le Burkina était représenté — le sommet d’Africom a commencé avant le coup d’Etat — et le Tchad également, les autres pays africains ayant connu des coups d’Etat ne l’étaient pas, à savoir le Mali, la Guinée et le Soudan.
Mais Africom a également « oublié » d’inviter d’autres pays : l’Algérie, l’Ethiopie, l’Afrique du Sud, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine, le Libéria ou encore Djibouti… autant de pays avec un point commun : tous sont des partenaires de la Russie, à laquelle ils achètent des armes ou avec laquelle ils entretiennent des relations commerciales, économiques ou diplomatiques poussées.
Une élimination en bonne et due forme des Etats africains amis de la Russie, qui met en perspective, également, les objectifs annoncés lors du CHOD 2022, à savoir « la promotion des relations stratégiques des Etats-Unis, ses accès et son influence sur le continent ».
En revanche, on est loin de la « promotion de l’intégration sécuritaire, afin de lutter contre les menaces en Afrique » ou encore la « prévention des crises humanitaires », les thèmes promis avant la rencontre.