Ce mardi, un communiqué du ministère camerounais de la Défense a confirmé que l’armée avait bien tué neufs civils dans la région anglophone du Nord-Ouest. L’une des victimes était une fillette de 18 mois.
Dans un aveu pour le moins inhabituel, le ministère de la défense du Cameroun a confirmé le meurtre, par l’armée, de 9 civils dans la région anglophone. Les victimes sont quatre hommes, quatre femmes et un bébé de 18 mois. Selon le gouvernement camerounais, il s’agissait d’une « réaction inappropriée, inadaptée aux circonstances et manifestement disproportionnée au refus de coopérer des villageois hostiles ».
Le communiqué du ministère nuance cependant les faits, assurant que « les soldats, dans une réaction précipitée d’autoprotection, ont utilisé leurs armes ».
L’aveu des autorités camerounaises concernant ces exactions intervient quelques mois après trois rapports accablants, publiés par Human Rights Watch (HRW), sur les massacres de civils dans la région anglophone.
L’ONG a, depuis quelques années, déployé beaucoup de moyens afin de prouver, grâce à des témoignages, reportages et imageries satellite, que la guerre civile entre le gouvernement et les rebelles ambazoniens avait fait des milliers de victimes civiles.
Suite à ce drame en particulier, qui était survenu le 1er juin dans la localité de Missong dans la région Nord-Ouest, 4 soldats du 53e Bataillon d’infanterie de l’armée camerounaise ont été arrêtés. Une autre enfant, de 12 mois d’âge, unique survivante au massacre, aurait été transférée à l’hôpital.
Les civils, premières victimes
Selon la chercheuse pour HRW, Ilaria Allegrozzi, « les forces de sécurité camerounaises font preuve de mépris pour la vie humaine lors de leurs opérations dans la région du Nord-Ouest ». « Les meurtres de civils, notamment d’enfants, sont des crimes graves qui devraient faire l’objet d’enquêtes crédibles et indépendantes, et dont les responsables devraient rendre des comptes », déplore la chercheuse.
Trois autres massacres prouvés du même genre ont été dévoilés ces derniers mois. Le premier, en 2019, a été filmé par un militaire et dévoilé par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) dans son dernier rapport sur la situation au Cameroun. Les deux autres font partie des investigations de l’ONG HRW dans la région. Au total, 173 meurtres de civils par l’armée camerounaise seulement au Nord-Ouest sont prouvés. Mais le communiqué du gouvernement de ce mardi est le premier aveu d’exactions de l’armée.
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Depuis 2017, trois régions du Cameroun connaissent une rébellion. Dans le nord du pays, l’armée fait face aux terroristes de Boko Haram. Et dans les deux cas, la situation sécuritaire est inquiétante, mais aussi soigneusement dissimulée par l’Etat.
L’année dernière, le gouvernement camerounais a accusé les rebelles ambazoniens du meurtre de plusieurs civils dans le Sud-Ouest. De leur côté, les chefs des groupes séparatistes ont publié des dizaines de photos dénonçant la stratégie de l’armée camerounaise dans la région, qui consiste à incendier des villages et des champs agricoles. Du côté médiatique, l’accent est plutôt mis sur la crise humanitaire. L’Etat camerounais, qui souffre aussi d’une crise intestine sur fond de guerre de succession dans le sérail de Paul Biya, a lancé une campagne de circonscription de 10 000 militaires, dont près de 8 000 ont déjà été admis, fin mai, aux concours de recrutement.
— Ministère de la Défense du Cameroun (@mindefcm) May 24, 2022